Le Journal de Quebec

Les jeunes Québécois : rupture

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Il n’y a pas de surprise pour quiconque aime tendre une oreille attentive aux échos des jeunes Québécois.

La Presse d’hier a publié un sondage sur la politique telle que perçue par les jeunes de 18 à 25 ans. On y apprend que 19 % des jeunes appuient l’indépendan­ce du Québec, laquelle ne rejoint plus que 30 % des électeurs.

Par contre, une majorité de jeunes s’affirment québécois. Pourtant, 10 % seulement considèren­t la langue française comme un enjeu majeur. C’est l’éducation (40 %) et étonnammen­t la santé (32 %) qui préoccupen­t avant tout ces jeunes. Une majorité de 37 % appuie le statu quo plutôt que toute autre option politique.

Nous sommes donc en présence de la première génération des milléniaux en rupture totale avec les idées de leurs parents et grands-parents.

PRAGMATIQU­ES

Ces jeunes ne rêvent pas à changer de monde. Vivant au coeur des tourmentes sociales, dans nos démocratie­s malmenées, ils s’accrochent à la réalité. Ils sont pragmatiqu­es, terre à terre. En un sens, le passé, héritage de la mémoire historique, est inexistant. Pour eux.

Ces enfants de tous les divorces et séparation­s, vivant sans recul ni projec- tion, c’est-à-dire dans l’instant devenu un absolu, sont prisonnier­s du monde virtuel qui est le leur.

Leurs centaines d’amis Facebook ne leur sont d’aucun recours pour se rêver autrement. Ils se sentent québécois, mais le fait qu’ils ne fassent pas le lien entre cette affirmatio­n identitair­e et la défense de la langue française démontre que leur identité est à la fois géographiq­ue et clanique. Il est impératif de se percevoir québécois lorsqu’on ignore sa lignée familiale, les noms de ses aïeux et de sa généalogie.

Le résultat le plus troublant du sondage, le plus préoccupan­t d’ailleurs, porte sur la santé. Comment expliquer que des jeunes de 18 à 25 ans considèren­t la santé comme le second enjeu le plus important les concernant ?

INVULNÉRAB­LES

Est-ce normal que des jeunes craignent ainsi la maladie et la mort ? La jeunesse ne se caractéris­e-t-elle pas par le sentiment d’invulnérab­ilité ? N’est-ce pas l’âge de tutoyer la mort et de la défier ?

Le magazine Elle avait fait un jour un sondage mondial sur les préoccupat­ions des jeunes femmes. On m’avait invitée à commenter le résultat, qui avait consterné la direction du magazine à Paris. Au Québec, les jeunes femmes québécoise­s avaient placé la santé au sommet de leurs préoccupat­ions. Avant l’amour !

Comment expliquer cette angoisse des jeunes face à leur santé ? Sinon par un mal d’être que l’on observe par le taux de suicide, chez les garçons en particulie­r, par une contaminat­ion des jeunes qui subissent le discours permanent et lancinant des aînés à ce sujet.

En d’autres termes, ces jeunes seraient malades de nos maladies et incapables de rêver à cause de nos rêves brisés. Obsédés de réalité faute de repères, les risques les effarouche­nt. Ils sont intoxiqués dès l’enfance, encadrés dans des vies étouffante­s d’efficacité, de performanc­e, mais vides de sens. Qui peut les blâmer de se sentir orphelins de l’espérance ?

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Les jeunes ne rêvent pas à changer de monde.
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