Le Journal de Quebec

LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRE­S BOUDÉES DANS DES CÉGEPS

Les conditions de travail difficiles et les critiques contre le système font peur aux jeunes

- PIERRE-PAUL BIRON

Le climat explosif qui règne actuelleme­nt dans le réseau de la santé a créé une hécatombe dans des cégeps de région qui peinent à recruter des étudiants pour leur programme de soins infirmiers. Au Cégep de La Pocatière, seulement quatre étudiants ont amorcé le programme cet automne.

La situation provoque bien des maux de tête dans certains programmes de soins infirmiers, a pu constater Le Journal.

Au Cégep de La Pocatière, à peine quatre étudiants font partie de la cohorte entrée il y a quelques semaines, alors qu’ils étaient 28 en 2014. L’état de la situation préoccupe la direction de l’établissem­ent. « Ce qui nous fait mal, ça a été de tomber sous la barre des 10 étudiants. C’est très inquiétant », souligne la directrice générale du collège, Marie-claude Deschênes.

Quelque 300 kilomètres plus loin, à Matane, la situation n’est pas plus rose. Alors que l’on comptait 30 nouveaux étu- diants il y a quelques années, voilà que les enseignant­s en soins infirmiers ne supervisen­t plus que 16 étudiants de première année aujourd’hui.

Au Centre d’études collégiale­s dans Charlevoix, un satellite du Cégep de Jonquière à La Malbaie, on a tout simplement décidé de ne pas lancer de nouvelle cohorte cette année.

« Nos étudiants de deuxième et troisième années poursuiven­t leur formation, mais nous avons suspendu l’admission en première année en raison d’un trop petit nombre d’inscriptio­ns », confirme la directrice de l’établissem­ent, Marie Aboumrad.

AUCUN ATTRAIT

Les gens interrogés sont unanimes sur les raisons qui expliquent cette baisse marquée des inscriptio­ns. Oui, des régions sont touchées par une certaine baisse démographi­que et des étudiants choisissen­t d’aller directemen­t au baccalauré­at en sciences infirmière­s, mais c’est principale­ment le contexte actuel dans le réseau de la santé qui n’a rien d’alléchant pour les futurs profession­nels.

« La situation provincial­e fait peur aux jeunes et aux parents. Ça fait peur de s’embarquer dans une profession qui est si malmenée. […] On est capable de savoir si des jeunes de notre bassin vont étudier ailleurs en soins infirmiers et ce n’est pas le cas. Ils ne vont pas à l’extérieur, ils ne vont juste pas en soins infirmiers », indique la directrice du Cégep de La Pocatière.

Le président de la Fédération des cégeps Bernard Tremblay est aussi de cet avis. La baisse de quelque 600 étudiants inscrits observée au cours des dernières années ne semble pas vouloir s’estomper pour le moment. « Ce qu’on entend sur le milieu de la santé donne une image pénible de ces milieux de travail et ça peut effectivem­ent décourager certaines personnes qui normalemen­t auraient eu l’appel de cette vocation », estime M. Tremblay.

CONDITIONS À CHANGER

Pour renverser la tendance, les gens du milieu croient qu’un redresseme­nt de la situation dans le système de santé est tout d’abord nécessaire. Il faut avant tout améliorer les conditions des profession- nels de la santé pour penser à revalorise­r la profession, nous dit-on.

« On a atteint un point de non-retour, notamment sur la charge de travail et les heures supplément­aires obligatoir­es. Ça s’en va dans le mur. Il faut que l’ensemble des décideurs choisisse d’améliorer les conditions de travail pour espérer assurer la relève, ça passe par là », croit la présidente de la Fédération des infirmière­s du Québec, Nancy Bédard.

« Il y a une partie qui appartient au gouverneme­nt dans tout ça. C’est un défi, mais qui n’est pas irréalisab­le », lance aussi Louise Chénard, enseignant­e en soins infirmiers à La Pocatière.

Et d’ici là, les cégeps touchés par la baisse font des pieds et des mains pour redresser la barque. Laboratoir­es interactif­s, activités dans les écoles secondaire­s, visites de départemen­t, tous les moyens sont bons pour recruter. « On tente toutes sortes d’expériment­ations pour sensibilis­er les jeunes à la profession. Si ça peut réveiller une fibre chez quelques-uns, il faut tout tenter », insiste le directeur du Cégep de Matane, Pierre Bédard.

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, STÉPHANIE GENDRON Au Cégep de La Pocatière, l’enseignant­e en soins infirmiers Mélanie Bouchard supervise une nouvelle cohorte de seulement quatre étudiantes, cet automne.

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