Le Journal de Quebec

Une générosité à revoir

- MICHEL GIRARD

Avec sa panoplie de crédits d’impôt, de subvention­s, de prêts… le gouverneme­nt du Québec est reconnu pour sa grande générosité à l’endroit des entreprise­s. C’est nous, les champions du Canada à ce chapitre.

Faut-il s’en réjouir ou pas ? Là n’est pas la question. On devrait plutôt se demander si cette généreuse aide financière aux entreprise­s est accordée adéquateme­nt.

Sur le plan fiscal, les entreprise­s du Québec bénéficien­t annuelleme­nt de crédits d’impôt et d’avantages totalisant 3,1 milliards $. En plus de recevoir des subvention­s, des prêts et autres aides financière­s de l’ordre de 2 à 4 milliards, selon l’année.

D’entrée de jeu, sachez que je ne suis absolument pas contre l’aide financière aux sociétés qui ont pignon sur rue au Québec. Mais…

Avant de l’accorder, encore faudrait-il s’assurer qu’on n’y gaspillera pas notre argent. Pour ce faire, il faut bien entendu évaluer adéquateme­nt les retombées économique­s et fiscales que l’aide financière rapportera et tenir compte du nombre d’emplois qui seront créés, maintenus ou sauvés.

Et si au bout de l’exercice le Québec a de bonnes chances de s’en tirer gagnant, bravo, allons-y ! Dans le cas contraire, c’est un pensez-y-bien. Car on parle ici de « donner » de l’argent à des entreprise­s privées, et non à des organismes à vocation communauta­ire qui génèrent des retombées sociales.

Pour bien me faire comprendre sur le genre d’aide financière gouverneme­ntale qui n’a pas de bon sens à mes yeux, je vous donne deux exemples.

PREMIER CAS D’ABUS : BOMBARDIER

Que le gouverneme­nt Couillard investisse 1,3 milliard de dollars dans la survie de la C Series, c’était défendable. Mais au lieu d’obtenir en échange de l’investisse­ment un bloc de 49,5 % de la Société en commandite Avions C Series (SCACS), il aurait été préférable de se faire octroyer un bloc d’actions de Bombardier. Question de mieux protéger notre investisse­ment.

À preuve, l’action de Bombardier depuis cet investisse­ment de Québec à l’automne 2015 a triplé de valeur, alors que le placement dans la C Series est demeuré immobile. Pire encore : Bombardier a gratuiteme­nt cédé le contrôle de la C Series à Airbus.

Ce n’est pas la seule gaffe que Québec a commise dans cette plantureus­e aide financière à Bombardier. Comment se fait-il qu’en échange du 1,3 milliard $ qu’il a investi dans la C Series, le gouverneme­nt Couillard n’ait pas exigé de la part du conseil d’administra­tion de Bombardier de limiter la rémunérati­on de ses hauts dirigeants ? Ces derniers s’apprêtent à empocher 78 millions $ de profit juste avec l’appréciati­on de leurs options depuis que Québec a investi son 1,3 milliard $ dans la C Series et que la Caisse a injecté 2 milliards $ dans Bombardier Transport.

Le grand patron de Bombardier, Alain Bellemare, va encaisser à lui seul 18 millions $ avec ses options. Il était déjà le dirigeant le mieux payé au Québec, gagnant 13,8 millions $ l’an, soit 134 fois la rémunérati­on moyenne de ses employés.

DEUXIÈME CAS D’ABUS : L’ÉOLIEN

Depuis plusieurs années, rien n’arrête la générosité du gouverneme­nt du Québec envers les entreprise­s qui oeuvrent dans l’énergie éolienne.

C’est par l’entremise de sa vache à piastres Hydro-québec que le gouverneme­nt gaspille, oh pardon ! qu’il investit dans l’éolien.

Le gouverneme­nt a forcé Hydro à signer des contrats à long terme avec des sociétés propriétai­res de projets éoliens alors que la société d’état n’a pas besoin de cette électricit­é vu ses immenses surplus. Cette obligation d’investir dans l’éolienne fera perdre à Hydro 10 milliards $ d’ici 2026.

Le dernier projet éolien qu’hydro est obligée de financer créera de 10 à 15 emplois. Le coût de ce projet pour Hydro revient à soutenir chaque emploi à hauteur de 4 M$ par année, pendant 25 ans. C’est complèteme­nt aberrant!

UNE SUGGESTION

Dans les programmes d’aide financière aux entreprise­s que le gouverneme­nt du Québec offre, je propose d’inclure une clause obligeant les entreprise­s à partager avec le gouverneme­nt les profits qu’elles empochent !

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PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI Philippe Couillard, en compagnie des grands patrons d’airbus et de Bombardier.
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