Le mot à 1,6 million $
J’ai reçu ce message il y a quelques jours…
« Je suis enseignante en histoire au secondaire, et dernièrement mon école a dû renvoyer tout un lot de manuels d’histoire de troisième et de quatrième secondaire, parce que certains membres de la communauté autochtone du Québec étaient froissés de l’utilisation du terme “Amérindien”.
« La maison d’édition a donc refait une nouvelle version identique, mais en employant les termes “Autochtones” et “Premières Nations” plutôt qu’“amérindiens”.
« Je tiens à vous préciser que le reste du manuel est identique à celui de la première édition à la virgule près. Notez aussi que ce manuel se détaille 94,95 $. »
OPÉRATION RECTITUDE POLITIQUE
Vous avez bien lu : on a jeté des milliers de manuels d’histoire flambants neufs dans des bacs à recyclage, parce que les auteurs avaient utilisé le mot « Amérindien » plutôt qu’« Autochtone ».
Et on les a remplacés par des nouveaux manuels « corrigés ».
Selon Le Soleil, cette opération a coûté 1,6 million de dollars.
Oui, madame : 1,6 million de dollars pour UN MOT ! UN SEUL MOT! Dans la première édition, par exemple, un chapitre s’intitulait : « L’expérience des Amérindiens et le projet de colonie. »
Ça a été remplacé par « L’expérience des Autochtones et le projet de colonie. »
Un autre chapitre s’intitulait : « Portrait des sociétés amérindiennes. »
Ça a été remplacé par : « Portrait des sociétés des Premières Nations. »
Mais à part ces quelques changements, le texte des deux manuels, selon l’enseignante qui m’a écrit, est le même.
Je vous rappelle qu’au moment même où le ministère de l’éducation dépense 1,6 million de dollars pour changer UN MOT dans un manuel acheté il y a deux ans, des professeurs à bout de souffle doivent ouvrir leur propre portefeuille pour acheter des manuels à leurs élèves moins nantis !
LES MOTS ET LES CHOSES
C’est quoi, la suite ? On va jeter des manuels de biologie dans les poubelles, car ils utilisent le mot « aveugle » plutôt que « non voyant » ?
Pendant ce temps, dans les réserves, il y a des problèmes de toxicomanie, de pauvreté chronique et de violence conjugale, sans oublier ces cas de femmes qui ont mystérieusement disparu dans l’indifférence la plus totale.
Vous croyez que ce changement de mot va améliorer les conditions de vie dans les réserves ?
Les tenants de la rectitude politique croient qu’en changeant un mot, on va changer la réalité.
Désolé, mes petits lapins, mais ça ne fonctionne pas comme ça.
T’as beau appeler un gars qui pèse 400 livres « enveloppé » plutôt que « gros », il va continuer de peser 400 livres.
Il me semble que dans la liste de nos priorités, tant en éducation qu’en affaires autochtones, « remplacer le mot Amérindien dans les manuels d’histoire » arrive en 342e position.
Juste avant « Empêcher les radios de jouer la chanson L’été indien de Joe Dassin. »
La rectitude politique frappe encore…
PAS D’ARGENT ?
Après ça, on nous dira qu’on manque d’argent en éducation.
Si c’était écrit « Peaux Rouges », je comprendrais.
Mais je ne vois pas en quoi le mot « Amérindien » est si dérogatoire…