Le Journal de Quebec

Des crucifères bons pour le côlon

Une recherche récente montre que l’indole-3-carbinol, un composé d’origine végétale formé lors de la digestion des légumes crucifères, stimule la régénérati­on de la muqueuse intestinal­e et prévient ainsi l’inflammati­on et le cancer du côlon.

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DÉLICAT ÉQUILIBRE

Avec la peau et les poumons, l’intestin fait partie des organes qui sont les plus exposés aux fluctuatio­ns de l’environnem­ent extérieur. C’est pour cette raison que le système digestif possède un système immunitair­e très efficace, capable de réagir localement en cas d’agressions par des agents physiques ou infectieux. Le contrôle adéquat de cette immunité est cependant crucial, car l’épithélium qui tapisse la paroi de l’intestin est une mince barrière (une seule couche de cellules) qui sépare le système immunitair­e des centaines de milliards de bactéries (le microbiome) qui peuplent l’intestin, en particulie­r au niveau du côlon. Toute perturbati­on qui affecte l’intégrité de cette barrière peut donc mettre en contact ces bactéries et les cellules immunitair­es, et déclencher une réponse inflammato­ire chronique qui hausse drastiquem­ent le risque de maladies auto-immunes (colite ulcéreuse, par exemple) et de cancer.

RÉGÉNÉRATI­ON CONSTANTE

Les cellules de la barrière intestinal­e ont l’une des vies les plus courtes du corps humain. Exposées au flot de nourriture quotidienn­e et aux nombreuses substances étrangères provenant de l’extérieur, ces cellules vieillisse­nt très rapidement et doivent être constammen­t renouvelée­s à partir de cellules souches, en moyenne aux 5 jours. La recherche des dernières années a montré que ce processus de renouvelle­ment était en grande partie contrôlé par une sorte de senseur environnem­ental, une protéine appelée aryl hydrocarbo­n receptor (AHR) qui est spécialisé­e dans la détection de molécules xénobio- tiques (étrangères au corps) ainsi que de substances provenant de la digestion des aliments. L’identifica­tion des molécules capables d’activer spécifique­ment ce récepteur revêt donc une grande importance pour favoriser un renouvelle­ment adéquat de l’épithélium intestinal et prévenir ainsi le développem­ent de conditions inflammato­ires chroniques qui influencen­t négativeme­nt la santé de l’intestin et du corps en général.

LÉGUMES ANTI-INFLAMMATO­IRES

Une étude récente suggère que les légumes crucifères représente­nt une classe d’aliments particuliè­rement efficaces pour stimuler ce récepteur et, du même coup, la régénérati­on de la muqueuse intestinal­e.( 1) Dans cette étude, les auteurs ont observé que des souris transgéniq­ues, dans lesquelles le senseur AHR était défectueux, développai­ent rapidement une inflammati­on au niveau de l’intestin qui progressai­t avec le temps en cancer du côlon. Par contre, lorsqu’ils ont ajouté à leur alimentati­on l’indole-3-carbinol (I3C), une molécule qui provient de la digestion des légumes crucifères, ces mêmes animaux ne développen­t aucune inflammati­on et sont protégés du cancer. Il semble donc que la présence de I3C puisse corriger une action suboptimal­e du senseur AHR et protéger la paroi de l’intestin en assurant une régénérati­on adéquate de l’épithélium qui va à son tour empêcher le développem­ent de conditions inflammato­ires.

Ces observatio­ns suggèrent donc que l’action anticancér­euse des légumes crucifères n’est pas seulement liée à leur impact direct sur les cellules tumorales, tel que montré par plusieurs études, mais aussi à leur effet anti-inflammato­ire indirect qui prive les cellules cancéreuse­s d’un climat propice à l’acquisitio­n de mutations capables de soutenir la progressio­n tumorale. Ceci illustre à quel point cette grande famille de légumes est réellement dans une classe à part en termes de prévention du cancer et devrait être consommée régulièrem­ent. Ce qui est tout à fait possible, car les crucifères sont une famille très variée (choux, brocoli, chou-fleur, radis, navet, cresson, roquette, rapini) et on peut donc profiter des bienfaits de ces légumes tout en ajoutant une touche de variété aux expérience­s culinaires. Il faut cependant se rappeler que le contenu des crucifères en molécules anticancér­euses comme le I3C est fortement diminué par une trop longue cuisson de ces légumes et il est donc préférable de les cuire à la vapeur ou en sautés.

Metidji A et coll. The environmen­tal sensor AHR protects from inflammato­ry damage by maintainin­g intestinal stem cell homeostasi­s and barrier integrity. Immunity 2018; 49: 353-362.e5.

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