UNE NOM QUI ALLAIT DE SOI
Julien Brisebois était l’homme tout désigné pour succéder à Steve Yzerman
Sa nature de trouver des solutions à tout problème a pris le dessus. Pendant 90 minutes, il a proposé à Yzerman des plans de répartition des tâches visant à lui permettre de passer plus de temps avec son épouse et ses trois filles qui vivent à Detroit.
Brisebois raconte l’histoire en entrevue téléphonique de son bureau, en Floride.
« Steve a commencé à réfléchir à son avenir dans ses discussions avec notre propriétaire Jeff Vinik pour une prolongation de son contrat. Plus ça allait, plus il voulait passer plus de temps auprès des siens. »
RIEN DE PLUS FORT QUE LA FAMILLE
Lors de leurs embauches par le Lightning, en 2010, Yzerman et BriseBois se sont acheté des propriétés à deux semaines d’intervalle. Brisebois y a installé tout de suite sa femme et leurs enfants.
Dans le cas d’yzerman, il avait été entendu que sa famille irait le rejoindre l’année suivante. Mais on ne déracine pas facilement trois filles qui font leurs études dans le milieu où elles vivent depuis toujours.
Il y a trois ans, Yzerman a vendu la maison qu’il avait achetée à Tampa pour emménager dans un condo situé à deux pas de son bureau, au Amalie Arena.
Le poids des années a fait son oeuvre. Après huit ans à se promener entre la Floride et le Michigan, il a décidé de rentrer chez lui.
« Ce fut une décision émotive, continue Brisebois. Tu peux envisager toutes sortes de solutions rationnelles pour ton horaire de travail, plus rien ne tient quand tu t’ennuies de ta famille. »
Yzerman et Brisebois sont devenus très proches avec le temps.
« Quand on travaille de près avec une personne durant huit ans, une relation profonde se crée », reprend Brisebois.
« On échange sur tout. Nos lectures et nos émissions de télé préférées, nos familles, nos rôles de père. »
PLUS QU’UNE QUESTION DE CHANCE
Depuis près de deux semaines, donc, l’ancien p’tit gars de Greenfield Park est le grand patron des opérations hockey chez le Lightning.
L’homme de 41 ans souscrit à la théorie que le hasard fait bien les choses. Il a le sentiment de se retrouver au bon endroit au bon moment. Il est trop modeste. Il a eu son mot à dire dans les succès du Lightning ces dernières années.
« Je sais, mais la réalité est que plusieurs personnes apportent leur contribution à la bonne marche d’une équipe », insiste-t-il.
« Je pense à nos recruteurs, à nos entraîneurs et à nos joueurs évidemment. Notre propriétaire nous donne toutes les ressources pour nous aider dans notre travail.
Et il y a toujours l’élément chance, ajoute-t-il. Oui, on fait notre chance, mais dans la vie, ce facteur compte à bien des égards. »
PARTI SANS GARANTIE
Brisebois considère avoir été chanceux lorsqu’il a quitté l’organisation du Canadien. Il estimait avoir fait le tour du jardin à Montréal. Il voulait aller voir ce qui se faisait ailleurs, mais son carnet de rendez-vous était vide.
« Je ne savais pas si je serais capable de me trouver un autre emploi dans la Ligue nationale », relate-t-il.
« Il y avait des candidats à la recherche d’un poste qui présentaient des feuilles de route aussi bonnes que la mienne et même plus impressionnantes. »
Brisebois a passé une entrevue pour le poste de directeur général du Lightning. L’équipe venait de vivre une mauvaise expérience avec Brian Lawton, premier joueur américain à avoir été fait premier choix du repêchage de la LNH, en 1983.
Lawton était agent de joueurs au moment de son embauche par Len Barrie et Oren Koules, dont le passage comme propriétaires du Lightning fut de courte durée. Il n’avait pas les compétences.
BRÈVE DÉCEPTION
L’organisation avait besoin d’une personne crédible. Yzerman avait cette renommée à titre de joueur légendaire dans l’histoire des Red Wings et ses quatre années d’expérience comme adjoint à Ken Holland.
Brisebois n’avait que 33 ans. Deux ans plus tard, il a été interviewé comme candidat à la succession de Pierre Gauthier chez le Canadien. Marc Bergevin l’a devancé au fil d’arrivée. Il était encore jeune, mais il a eu un pincement au coeur. Il s’est posé des questions.
« Je me suis demandé ce que je devais faire de plus pour être choisi », dit-il.
Il possédait une vaste expérience. Il négociait les contrats, faisait du recrutement. Il était directeur général dans la Ligue américaine et secondait ses patrons dans plusieurs autres aspects de la gestion d’une équipe.
« J’étais déçu, mais ça n’a duré que quelques jours », confie-t-il.
« On retombe vite sur ses pattes quand on a un boulot à accomplir. Quelques années plus tard (2014), ce sont les Penguins de Pittsburgh qui m’ont interviewé. Cet épisode m’a redonné confiance même si je n’ai pas été choisi (l’élu a été Jim Rutherford). Je me suis dit que j’aurais peut-être ma chance un jour. »
C’est ce que lui avait dit le directeur général d’une organisation de la LNH, il y a une quinzaine d’années. Brisebois faisait de l’arbitrage salarial pour des équipes de la LNH et du baseball majeur à titre d’avocat au sein du cabinet Heinen Blaikie.
« As-tu déjà songé à te joindre à une organisation sportive au lieu de travailler dans un bureau d’avocats ? m’avait demandé ce client.
Les équipes de Ligue nationale ont besoin de gars comme toi. Les méthodes de gestion changent. »
L’homme en question avait bien évalué Brisebois.