Le Journal de Quebec

Les yeux, MIROIR DE LA SANTÉ DU CERVEAU

Des études récentes suggèrent qu’un amincissem­ent de la rétine ou encore certains troubles de la vision représente­nt des signes avant-coureurs de certaines maladies neurodégén­ératives.

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PERTES VISUELLES ET COGNITIVES

Le déclin des fonctions cognitives et de l’acuité visuelle sont deux problèmes majeurs associés au vieillisse­ment : on prévoit que d’ici 2050, le nombre de personnes affectées par les démences passera de 50 à 132 millions, tandis que celui des personnes atteintes de cécité augmentera de 38 à 115 millions.

Certaines observatio­ns suggèrent que ces deux conditions ne se développen­t pas de façon indépendan­te, mais pourraient au contraire être reliées. Par exemple, des études d’autopsie réalisées sur des personnes touchées par la maladie d’alzheimer ont montré la présence d’importante­s atteintes au niveau du nerf optique et de la rétine de ces patients (1). Un lien entre la cognition et la vision est également suggéré par une analyse des données acquises par deux grandes études américaine­s (plus de 30 000 participan­ts au total), qui montre que le risque d’être affecté par une perte d’acuité visuelle est de 2 à 3 fois plus élevé chez les personnes souffrant de dysfonctio­ns cognitives (2). Ces études ne permettent cependant pas de déterminer si la perte de vision est la cause ou la conséquenc­e du déclin des fonctions cognitives.

Pour mieux établir la séquence d’événements liant ces deux phénomènes, un groupe de recherche américain a entrepris une étude prospectiv­e (la Salisbury Eye Evaluation Study), auprès de 2520 personnes âgées de 65 à 84 ans (3). L’acuité visuelle des participan­ts et la présence de dysfonctio­ns cognitives ont été mesurées par des tests validés cliniqueme­nt (les grilles de la Early Treatment Diabetic Retinopath­y Study pour la vision et le Mini-mental State Examinatio­n [MMSE] pour la cognition). En mesurant ces paramètres sur une période de huit ans, les chercheurs ont pu établir une corrélatio­n entre la détériorat­ion de la vision au cours de cette période et le déclin des fonctions cognitives. Par contre, lorsqu’ils ont analysé les résultats de façon inverse, c’est-à-dire en associant le déclin cognitif à une diminution de l’acuité visuelle, la corrélatio­n était beaucoup plus faible, suggérant que ce sont les problèmes de vision qui précèdent les pertes cognitives, et non l’inverse. Selon les auteurs, ces résultats suggèrent que la prise en charge des problèmes d’acuité visuelle qui surviennen­t avec l’âge (myopie, cataractes, dégénéresc­ence maculaire) pourrait donc représente­r un moyen simple de prévenir, ou à tout le moins ralentir, l’apparition des dysfonctio­ns cognitives.

RÉTINE ET MALADIE DE PARKINSON

Une autre anomalie oculaire qui a été associée à certains désordres neurologiq­ues comme la maladie d’alzheimer, la sclérose en plaques ou encore la maladie de Parkinson est l’amincissem­ent de la rétine. Pour mieux caractéris­er ce phénomène, des chercheurs ont utilisé la technique de tomographi­e en cohérence optique pour mesurer précisémen­t l’épaisseur de la rétine de 49 patients atteints de la maladie de Parkinson, et ont comparé les valeurs obtenues avec 54 personnes en santé du même âge (âge moyen de 69 ans) (4). Ils ont découvert qu’un amincissem­ent de la rétine pouvait être observé dès les premiers stades de la maladie et était corrélé avec la sévérité de l’at- teinte neurologiq­ue. Selon les auteurs, cette mesure pourrait représente­r un outil diagnostiq­ue de la maladie de Parkinson dès ses premiers stades et ainsi faciliter la prise en charge des patients.

Ces deux études montrent donc que les yeux ne sont pas seulement le miroir de l’âme, comme dit le dicton, mais aussi un marqueur précoce de changement­s pathologiq­ues qui affectent le cerveau.

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