Ils n’ont pas froid aux yeux
Encore aujourd’hui, les jeunes garçons qui choisissent la danse se font souvent intimidés par leurs pairs
« J’ai vécu au primaire beaucoup d’intimidation », confie Tommy Durand, danseur de 16 ans découvert à Révolution dimanche soir.
Lors de la première émission du concours de danse de TVA, la maître Lydia Bouchard a souligné le courage de ce jeune qui évolue au sein d’une troupe entièrement féminine. « Moi, je le sais combien il faut que tu te battes pour être là », lui a-t-elle dit.
Le garçon n’a pu retenir ses larmes, parce que la chorégraphe avait raison. « Les gars portaient des jugements et riaient de moi. Je me faisais niaiser à cause de la danse. C’était dur. On me disait de jouer au hockey à la place », confie à l’autre bout du fil celui qui danse depuis l’âge de cinq ans.
Pourquoi n’a-t-il jamais abandonné? « Je ne voulais pas leur donner raison, répond l’adolescent, qui souhaite se servir de sa tribune à Révolution pour passer un mes- sage. J’aimerais que les jeunes garçons qui écoutent l’émission comprennent qu’il ne faut jamais écouter les commentaires négatifs des personnes jalouses. »
Le public a aussi découvert dimanche dernier l’algérien Rahmane qui, à 14 ans, a vu son meilleur ami lâcher le soccer pour aller danser. Il est le premier à avoir eu des préjugés. « J’étais même choqué », dit-il. Jusqu’à ce qu’il voie son ami sur scène. « J’ai eu la piqûre. »
ABANDONNER LE SPORT
Rahmane faisait de l’athlétisme, du basketball, du football, du soccer, à un haut niveau. « J’ai tout lâché. Je trouvais que la danse, ça amenait de la personnalité. […] J’ai été totalement victime de préjugés. Mes amis ont accepté ça quand ils ont vu les résultats. Tout le monde se demandait ce que j’allais faire là. »
Matthieu Handfield, 19 ans, a quant à lui brillé dimanche dernier en dansant la claquette. À huit ans, comme Rahmane, il a lâché le sport pour danser. Aujourd’hui, les contrats professionnels s’alignent déjà dans sa jeune carrière (il a joué dans les comédies musicales Mary Poppins et Fame). Il s’estime « très chanceux » de ne pas avoir vécu d’intimidation.
« J’ai eu beaucoup d’amis qui me supportaient, qui savaient que j’avais du talent. J’ai été très choyé d’avoir des gens qui m’aimaient pour ce que je faisais. »
5 % DE GARS
À l’académie de danse la Capitale, à Québec, là où Tommy Durand suit ses cours, la propriétaire, Joanne Francis, indique que 5 % de ses 500 élèves sont des gars.
« Il y a des jeunes garçons qui doivent avoir de bonnes discussions avec leurs parents quand ils veulent aller en danse contemporaine, rapporte-t-elle. C’est sûr que les parents rêvent que leur fils joue au hockey ou au baseball. Il y a encore beaucoup de travail à faire, les stéréotypes sont très présents. »
Sur 220 candidats qui défileront à l’émission d’ici la fin de la saison, 80 sont des hommes, précise la production de Révolution.
« Ça dépend toujours du style de danse, indique la productrice Marie-ève Dallaire. On a vu beaucoup de gars en ballroom et en hip-hop, et une grande majorité de filles en contemporain et en lyrique. »
LE HIP-HOP : UNE RÉALITÉ DIFFÉRENTE
S’il y a un style qui est plus prisé par les gars que par les filles, c’est le hip-hop et la danse urbaine. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un style « plus physique », explique Louis Durant, de la troupe MARVL, qui a récolté les votes de tous les maîtres dimanche soir.
« MARVL rejoint un auditoire plus masculin que féminin, parce que le “break dance” est surtout pratiqué par des gars. Moi, je l’ai eu facile », dit-il.
« Dans le milieu de la danse, je pense que les préjugés sont encore présents, mais de moins en moins, surtout avec ce genre de plateforme comme Révolution qui montre des jeunes qui dansent et qui en sont fiers. »