Un Québec plus divisé que jamais
La campagne électorale s’achève. Enfin !, s’écrie- ront sûrement plusieurs. Elle est pourtant le reflet parfait de l’état courant de la société québécoise et de sa classe politique – les deux étant plus divisées que jamais. Le 1er octobre, les Québécois iront en effet voter sur fond d’un paysage politique éclaté.
Fini l’alternance du dernier demi-siècle entre le Parti québécois et le Parti libéral du Québec. Avec le recul notoire du PQ et la montée de la CAQ et de Québec solidaire, le multipartisme s’installe à demeure. Le Québec est passé d’une polarisation fédéraliste-souverainiste à une division marquée sur des enjeux de gouvernance plus provinciale.
Face à un bloc libéral figé chez les anglophones, pour la majorité francophone, toutes origines confondues, cela n’augure rien de bon. Sous toutes ses formes, la question nationale, exclue d’office de la campagne, en est la première victime.
INEXORABLE
Pour le seul État francophone d’amérique, la résultante est inexorable. De plus en plus marginalisé dans la fédération canadienne, politiquement et démographiquement, un Québec aussi divisé en son propre sein ne fera qu’en accélérer le mouvement.
La boucle post-référendaire se referme. Le fédéralisme renouvelé n’est plus qu’une illusion. Largué implicitement par le PQ depuis des années, le projet souverainiste est mis de côté explicitement. Quant aux 18-34 ans, nés dans ce même silence post-référendaire, la majorité y est carrément indifférente.
En cela, l’événement le plus déterminant du mandat qui se termine est sans nul doute la démission pour des raisons familiales de Pierre Karl Péladeau comme chef du Parti québécois en mai 2016. Sous sa direction, la souveraineté comme objet de débat et d’action politique opérait un retour.
Dans les sondages, les appuis au PQ et à son option, y compris même chez les plus jeunes, amorçaient une remontée. Or, en optant pour la mise en veilleuse de l’option péquiste, son successeur, Jean-françois Lisée, a libéré une part vitale de son électorat.
CUL-DE-SAC
En situation multipartite, le « magasinage » chez la CAQ et QS devint inévitable. C’est pourquoi, nonobstant les résultats de l’élection de lundi, un travail colossal de reconstruction attend ce qu’il restera du mouvement souverainiste. À moins que l’animosité criante entre le PQ et QS ne rende la tâche tout simplement impossible.
Certains diront que le véritable enjeu de cette élection est ailleurs. Que la vraie « question de l’urne » est de mettre ou non fin à 15 ans de règne libéral. Et ils auront raison de le dire.
La quasi-monarchie libérale, son « tout-aux-médecins » et son austérité toxique ont fait très mal aux Québécois. Incluant chez les plus vulnérables. Ce n’est tout de même pas pour rien si près de 80 % des francophones disent vouloir changer de gouvernement.
Il n’en reste pas moins qu’au lendemain du 1er octobre, les Québécois devront aussi s’interroger sur leur propre existence comme nation francophone nord-américaine. Faire semblant que la question est devenue ringarde a mené le Québec dans un dangereux cul-de-sac sur le plan national. Il est grand temps d’en prendre conscience.