Le Journal de Quebec

Plaidoyer pour une vraie démocratie

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Lundi, les partis politiques demanderon­t aux électeurs de leur faire confiance pour gouverner le Québec, mais ils oublient un principe de base : la confiance se gagne avec et seulement avec la transparen­ce. Or, hormis de vagues promesses, aucun des quatre principaux partis en lice ne s’est engagé à donner un coup de barre pour mettre un terme à l’opacité dans laquelle la province est plongée.

Les citoyens ne peuvent participer pleinement aux décisions qui les concernent si l’état joue à cachecache avec eux et multiplie les embûches lorsque les journalist­es veulent les informer.

Or, c’est bien ce qui se passe dans toutes les instances, depuis le conseil des ministres jusqu’aux conseils municipaux des plus petites municipali­tés.

À LA SAUVETTE

Le lendemain de son élection, en avril 2014, le premier ministre Philippe Couillard s’engageait à diriger « le gouverneme­nt le plus transparen­t que les Québécois auront eu ». M. Couillard promettait ainsi d’élargir la portée de la Loi d’accès à l’informatio­n. À la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec, nous étions pleins d’optimisme : enfin, cette loi désuète allait être modernisée ! Nous avons vite déchanté. Le gouverneme­nt a contesté une décision de la Commission d’accès qui lui demandait de divulguer des mémoires au Conseil des ministres concernant les orphelins de Duplessis. Il a perdu sa cause devant trois tribunaux. La Cour d’appel a validé la décision de la Commission d’accès. Le gouverneme­nt a alors adopté une loi à la sauvette pour se soustraire à cette décision et pour empêcher la transmissi­on de tout mémoire avant l’expiration d’un délai de 25 ans. Les deux principaux partis d’opposition ont voté en faveur de la loi.

TRANSPAREN­CE BAFOUÉE

Ce n’est pas tout. De nombreux organismes publics violent allègremen­t leur obligation de répondre dans les délais requis aux demandes d’accès aux documents. Ils tardent tellement à envoyer une réponse, et encore plus à remettre des documents manifestem­ent d’intérêt public, que les requêtes finissent par ne plus être pertinente­s. Certains organismes ont recours à une autre trouvaille pour éviter de rendre des comptes : ils s’abstiennen­t de produire des documents justifiant leurs décisions. Pas de documents, pas d’accès !

Sans parler des municipali­tés qui bafouent les règles de transparen­ce sans jamais être sanctionné­es. En juillet 2017, le commissair­e aux plaintes du ministère des Affaires municipale­s envoyait une lettre à l’arrondisse­ment montréalai­s de Lasalle pour l’aviser que son règlement interdisan­t à quiconque de filmer ou d’enregistre­r les séances de son conseil municipal contrevena­it à la Loi sur les cités et villes. Deux semaines plus tard, la Municipali­té régionale de comté de Témiscamin­gue décidait de faire fi de cet avis. À la fin de l’année, c’était au tour de la Ville de Chambly d’adopter un règlement interdisan­t de filmer ses séances publiques. Lorsqu’un citoyen eut l’audace de filmer quand même, la municipali­té lui a imposé une amende de 149 $. En juillet dernier, la municipali­té de La Motte, en Abitibi, adoptait un règlement interdisan­t la prise de vue ou de son.

ENGAGEMENT FERME

Il ne s’agit pas là de simples anecdotes. Il existe un climat, au Québec, où l’état se permet d’enfreindre sans vergogne des principes élémentair­es de la liberté de presse et d’informatio­n. Les partis politiques qui se battent pour avoir l’appui des Québécois doivent dès maintenant prendre l’engagement ferme de mettre fin à la politique du secret.

Comme l’a déjà indiqué la Cour d’appel, « le gouverneme­nt et ses organismes ne peuvent plus désormais se réfugier derrière le silence administra­tif ou le droit au secret pour, d’une part, refuser de dévoiler des informatio­ns même sensibles et, d’autre part, éviter de subir la responsabi­lité de leurs décisions ». Nous attendons…

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Stéphane Giroux, président Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec

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