Le Journal de Quebec

Des pots-de-vin versés au Brésil par une firme reliée aux Desmarais

Un patron de l’entreprise Astra Oil est accusé de corruption et risque 10 ans de prison dans l’affaire Petrobras

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER

Après le scandale Lafarge en Syrie, c’est maintenant une autre affaire de corruption majeure alléguée au Brésil qui pourrait éclabousse­r l’empire Desmarais.

Une entreprise présidée par un haut gradé de Power Corporatio­n aurait versé des pots-de-vin de 15 M$ US dans des comptes offshore secrets pour pouvoir réaliser une transactio­n au coeur d’un énorme scandale de corruption au Brésil, selon des allégation­s du ministère public fédéral brésilien.

Cette entreprise, Astra Oil, a vendu pour 1,2 milliard $ à la société d’état brésilienn­e Petrobras une raffinerie qu’elle avait ellemême payée 42,5 M$ US peu de temps avant, soit 28 fois moins cher.

Onze personnes, dont un haut cadre d’astra, un sénateur du Parti travaillis­te et deux anciens hauts responsabl­es de Petrobras, font face à la justice pour cette affaire de corruption et blanchimen­t d’argent allégués.

Le procès a commencé à la fin août et fait régulièrem­ent la manchette depuis quelques semaines dans ce pays.

La justice brésilienn­e enquête depuis des années pour comprendre comment Petrobras a pu payer aussi cher pour cette raffinerie qualifiée de « petite rousse » vu l’état avancé de la rouille.

L’achat de la raffinerie, à partir de 2006, est considéré au Brésil comme un épisode emblématiq­ue des scandales de corruption autour de Petrobras.

POTS-DE-VIN

Les pots-de-vin offerts par Astra auraient été versés dans des comptes offshore (au nom de sociétés-écrans) en Suisse, au Liechtenst­ein et en Espagne à différents acteurs. Ils ont ensuite été recyclés au moins en partie aux Bahamas, un paradis fiscal, selon ce qu’allègue la plainte du ministère brésilien.

Astra Oil est reliée à l’empire Desmarais à travers un jeu d’intérêts dans des holdings qui s’imbriquent comme des poupées russes. Le président du conseil d’administra­tion d’astra, Gilles Samyn, est aussi administra­teur de Pargesa, une filiale de Power Corporatio­n, et de GBL, un holding de la famille belge Frère et de la famille Desmarais.

PERQUISITI­ON

Les bureaux de GBL ont été perquisiti­onnés l’an passé dans le cadre de l’affaire Lafarge sur le financemen­t du groupe terroriste État islamique en Syrie.

Un vice-président d’astra, Alberto Feilhaber, est le premier accusé dans ce dossier. Il risque 10 ans de prison. Les documents indiquent qu’il aurait été l’instigateu­r de la corruption présumée en approchant dès 2005 des cadres de Petrobras pour les acheter.

D’autres dirigeants d’astra se seraient aussi graissé la patte, selon la plainte des autorités brésilienn­es, mais ne font pas l’objet d’accusation­s formelles.

Notre Bureau d’enquête a déjà révélé en 2015 que des investisse­urs québécois, incluant le Mouvement Desjardins, la Financière des profession­nels et la Banque Royale, risquaient de perdre des millions en jeu dans ce dossier.

En 2015, ils se sont joints à un recours collectif aux États-unis pour contester l’achat de la raffinerie d’astra par Petrobras.

« En 2006, Petrobras a radicaleme­nt surpayé pour acheter la raffinerie de Pasadena », affirme le recours. Des déclaratio­ns de Petrobras recensées dans le recours selon lesquelles cette acquisitio­n était normale étaient « matérielle­ment fausses », est-il aussi allégué.

En juin 2018, le cimentier Lafarge, où le Québécois Paul Desmarais Jr siège comme administra­teur, a été mis en examen, en tant que personne morale, des chefs de « violation d’un embargo », « mise en danger de la vie d’autrui », « financemen­t d’une entreprise terroriste » et « complicité de crimes contre l’humanité ». Ces accusation­s sont en lien avec des sommes d’argent qui auraient été versées à des groupes terroriste­s pour continuer d’opérer une cimenterie dans le nord de la Syrie pendant la guerre civile.

 ?? PHOTOS D’ARCHIVES, DANIEL KRAMER ET COURTOISIE ?? Petrobras a acheté la raffinerie de Pasadena (photo) à partir de 2006 pour 1,2 G$ US. Selon les autorités brésilienn­es, des dirigeants de Petrobras et un sénateur auraient reçu des pots-de-vin totalisant 15 M$. En mortaise, on voit des unes de journaux, de magazines et de sites web brésiliens, qui traitent de l’affaire depuis des mois.
PHOTOS D’ARCHIVES, DANIEL KRAMER ET COURTOISIE Petrobras a acheté la raffinerie de Pasadena (photo) à partir de 2006 pour 1,2 G$ US. Selon les autorités brésilienn­es, des dirigeants de Petrobras et un sénateur auraient reçu des pots-de-vin totalisant 15 M$. En mortaise, on voit des unes de journaux, de magazines et de sites web brésiliens, qui traitent de l’affaire depuis des mois.

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