Des pots-de-vin versés au Brésil par une firme reliée aux Desmarais
Un patron de l’entreprise Astra Oil est accusé de corruption et risque 10 ans de prison dans l’affaire Petrobras
Après le scandale Lafarge en Syrie, c’est maintenant une autre affaire de corruption majeure alléguée au Brésil qui pourrait éclabousser l’empire Desmarais.
Une entreprise présidée par un haut gradé de Power Corporation aurait versé des pots-de-vin de 15 M$ US dans des comptes offshore secrets pour pouvoir réaliser une transaction au coeur d’un énorme scandale de corruption au Brésil, selon des allégations du ministère public fédéral brésilien.
Cette entreprise, Astra Oil, a vendu pour 1,2 milliard $ à la société d’état brésilienne Petrobras une raffinerie qu’elle avait ellemême payée 42,5 M$ US peu de temps avant, soit 28 fois moins cher.
Onze personnes, dont un haut cadre d’astra, un sénateur du Parti travailliste et deux anciens hauts responsables de Petrobras, font face à la justice pour cette affaire de corruption et blanchiment d’argent allégués.
Le procès a commencé à la fin août et fait régulièrement la manchette depuis quelques semaines dans ce pays.
La justice brésilienne enquête depuis des années pour comprendre comment Petrobras a pu payer aussi cher pour cette raffinerie qualifiée de « petite rousse » vu l’état avancé de la rouille.
L’achat de la raffinerie, à partir de 2006, est considéré au Brésil comme un épisode emblématique des scandales de corruption autour de Petrobras.
POTS-DE-VIN
Les pots-de-vin offerts par Astra auraient été versés dans des comptes offshore (au nom de sociétés-écrans) en Suisse, au Liechtenstein et en Espagne à différents acteurs. Ils ont ensuite été recyclés au moins en partie aux Bahamas, un paradis fiscal, selon ce qu’allègue la plainte du ministère brésilien.
Astra Oil est reliée à l’empire Desmarais à travers un jeu d’intérêts dans des holdings qui s’imbriquent comme des poupées russes. Le président du conseil d’administration d’astra, Gilles Samyn, est aussi administrateur de Pargesa, une filiale de Power Corporation, et de GBL, un holding de la famille belge Frère et de la famille Desmarais.
PERQUISITION
Les bureaux de GBL ont été perquisitionnés l’an passé dans le cadre de l’affaire Lafarge sur le financement du groupe terroriste État islamique en Syrie.
Un vice-président d’astra, Alberto Feilhaber, est le premier accusé dans ce dossier. Il risque 10 ans de prison. Les documents indiquent qu’il aurait été l’instigateur de la corruption présumée en approchant dès 2005 des cadres de Petrobras pour les acheter.
D’autres dirigeants d’astra se seraient aussi graissé la patte, selon la plainte des autorités brésiliennes, mais ne font pas l’objet d’accusations formelles.
Notre Bureau d’enquête a déjà révélé en 2015 que des investisseurs québécois, incluant le Mouvement Desjardins, la Financière des professionnels et la Banque Royale, risquaient de perdre des millions en jeu dans ce dossier.
En 2015, ils se sont joints à un recours collectif aux États-unis pour contester l’achat de la raffinerie d’astra par Petrobras.
« En 2006, Petrobras a radicalement surpayé pour acheter la raffinerie de Pasadena », affirme le recours. Des déclarations de Petrobras recensées dans le recours selon lesquelles cette acquisition était normale étaient « matériellement fausses », est-il aussi allégué.
En juin 2018, le cimentier Lafarge, où le Québécois Paul Desmarais Jr siège comme administrateur, a été mis en examen, en tant que personne morale, des chefs de « violation d’un embargo », « mise en danger de la vie d’autrui », « financement d’une entreprise terroriste » et « complicité de crimes contre l’humanité ». Ces accusations sont en lien avec des sommes d’argent qui auraient été versées à des groupes terroristes pour continuer d’opérer une cimenterie dans le nord de la Syrie pendant la guerre civile.