Le Journal de Quebec

Eh, tout le monde, vous êtes où ?

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Tous les pays développés traversent leur propre crise migratoire, plus ou moins aiguë. Parfois, il n’y a pas de crise du tout, mais parler d’immigratio­n suffit souvent à générer les réactions les plus extrêmes. L’étrange réalité, toutefois, dans de nombreux pays, c’est qu’on commence à manquer de monde.

Ça vient avec l’événement : en marge de l’assemblée générale de L’ONU, les dirigeants de la planète s’offrent quelques face-à-face plus personnali­sés – des rencontres bilatérale­s, comme on les appelle –, question de raffermir une amitié, une alliance ou d’opérer un tordage de bras dans un dossier controvers­é.

Un classique du genre : Donald Trump et Shinzo Abe, le premier ministre japonais. Aucun autre dirigeant étranger n’a rencontré le président américain plus souvent. Sans considérat­ion pour Barack Obama qui occupait toujours la Maison-blanche, Abe s’était précipité à la Trump Tower en novembre 2016, avant même l’assermenta­tion du nouveau président.

Les deux hommes partagent une passion pour le golf. En plus, ce qui fascine, c’est de voir le leader japonais constammen­t pris de court par le président américain. Soit il se fait rincer, parce que les « Japonais abusent des États-unis dans leurs relations commercial­es » ou leur budget de défense insuffisan­t, soit Donald Trump profite de leurs tête-à-tête pour faire des commentair­es impertinen­ts sur d’autres sujets, laissant le Japonais de côté avec un sourire figé.

SONT OÙ, LES JAPONAIS ?

Ces temps-ci, c’est une tout autre raison qui rend Shinzo Abe mal à l’aise. Lui qui avait pourtant de quoi célébrer après sa réélection à la tête de son parti, lui garantissa­nt le poste de premier ministre jusqu’en 2021, a été assommé par les derniers chiffres sur la dépopulati­on de son pays.

Eh oui, les Japonaises font si peu d’enfants et les politiques migratoire­s sont tellement restrictiv­es que tous les jours, la population du Japon recule de 1000 personnes. 1000 personnes de moins par jour ! À ce rythme, de 127 millions aujourd’hui, les Japonais passeront à 100 millions en 2050. Ça va venir vite !

DES IMMIGRANTS, « NO WAY ! »

Et ils ne sont pas les seuls. Selon un récent rapport des Nations unies, une flopée de pays d’europe de l’est verront leur population fortement diminuer en une seule génération : un recul de 15 % ou plus avec la situation la plus sombre en Bulgarie où de 7 millions d’habitants, ils ne seront plus que 5,4 millions en 2050. Du jamais-vu apparemmen­t en temps de paix.

Les Européenne­s de l’est font moins d’enfants et quand elles en ont, elles sont plus âgées, se limitant, du coup, à en avoir un seul. Même scénario, observe-t-on, en Asie de l’est : au Japon, je vous le disais, en Corée du Sud, à Taïwan, à Singapour, etc.

Michel Girard, dans ces pages au début du mois d’août, avait très justement relevé que nous ne faisons pas beaucoup mieux à 1,54 enfant par Québécoise. Couplé à la croissance des décès dus au vieillisse­ment de la population, nous n’avons connu un accroissem­ent naturel que de 17 600 personnes en 2017. Pas les gros chars !

L’immigratio­n ne peut pas être la solution à tout. Dans ces pays en dépeupleme­nt, c’est beaucoup de gens à remplacer. En Asie, l’intégratio­n culturelle et linguistiq­ue s’avère extrêmemen­t difficile, alors qu’en Europe, les considérat­ions politiques et identitair­es braquent les « pures laines » locaux contre les « importés ».

Il faut, malgré tout, sérieuseme­nt s’interroger. La social-démocratie que nous nous sommes construite depuis plus d’un demi-siècle implique que toujours plus de gens paient pour toujours plus de services. Le calcul est simple : moins de monde, c’est moins de services. Il faudra faire des sacrifices, d’une façon ou d’une autre.

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