Journée de liberté
J’ai toujours raffolé des jours d’élections générales, depuis le premier dont j’ai eu conscience, en 1976.
Les gens en congé ; les bureaux de scrutin dans les écoles. On dirait que le temps suspend son vol. Tous ces citoyens en file pour faire un X sur un bout de papier : enfin une journée où une quasi-totalité de la population se préoccupe directement de politique au sens noble.
Ce n’est pas à proprement parler une démarche rationnelle, note René Rémond, politologue français. « Au moment de déposer son bulletin dans l’urne », toutes sortes de motivations entrent en ligne de compte : « Souvenirs, sentiments, traditions familiales ou régionales, craintes, espérances, aspirations. »
Journée de liberté. La seule ! tranchait le philosophe Jean-jacques Rousseau : « Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement. »
Et les soirées d’élections ! Voir se dessiner peu à peu le choix d’une nation à partir de millions de décisions individuelles. Malgré 40 ans d’observation, Rémond confiait : « Jamais je n’ai été blasé. Au contraire : chaque fois, j’ai connu le même frémissement et la même émotion. »
PAS PARFAIT
Rien n’est parfait, évidemment. Simone Weil déplorait que l’élection nécessite des candidats ; bref, des gens capables de dire « votez pour moi », ce qui n’est souvent pas l’apanage des meilleurs.
Autre thèse troublante, celle d’alexandre Soljenitsyne : « Tous les procédés de la bataille électorale exigent d’un homme certaines qualités, et la conduite de l’état en exige d’autres complètement différentes et qui n’ont rien de commun avec les premières. »
Peut-être bien, mais on la remplace par quoi, l’élection ? Ne sommes-nous pas obligés de reprendre la phrase de Winston Churchill à propos de la démocratie : le pire système à l’exception de tous les autres ?
Le vote tel que nous le connaissons aujourd’hui est « l’aboutissement d’une longue et difficile histoire » (Rémond encore). Commencée ici au Bas-canada en 1792.
C’est à vous aujourd’hui de la perpétuer.
Voir se dessiner peu à peu le choix d’une nation à partir de millions de décisions individuelles.