Le Journal de Quebec

Journée de liberté

- ANTOINE ROBITAILLE

J’ai toujours raffolé des jours d’élections générales, depuis le premier dont j’ai eu conscience, en 1976.

Les gens en congé ; les bureaux de scrutin dans les écoles. On dirait que le temps suspend son vol. Tous ces citoyens en file pour faire un X sur un bout de papier : enfin une journée où une quasi-totalité de la population se préoccupe directemen­t de politique au sens noble.

Ce n’est pas à proprement parler une démarche rationnell­e, note René Rémond, politologu­e français. « Au moment de déposer son bulletin dans l’urne », toutes sortes de motivation­s entrent en ligne de compte : « Souvenirs, sentiments, traditions familiales ou régionales, craintes, espérances, aspiration­s. »

Journée de liberté. La seule ! tranchait le philosophe Jean-jacques Rousseau : « Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement. »

Et les soirées d’élections ! Voir se dessiner peu à peu le choix d’une nation à partir de millions de décisions individuel­les. Malgré 40 ans d’observatio­n, Rémond confiait : « Jamais je n’ai été blasé. Au contraire : chaque fois, j’ai connu le même frémisseme­nt et la même émotion. »

PAS PARFAIT

Rien n’est parfait, évidemment. Simone Weil déplorait que l’élection nécessite des candidats ; bref, des gens capables de dire « votez pour moi », ce qui n’est souvent pas l’apanage des meilleurs.

Autre thèse troublante, celle d’alexandre Soljenitsy­ne : « Tous les procédés de la bataille électorale exigent d’un homme certaines qualités, et la conduite de l’état en exige d’autres complèteme­nt différente­s et qui n’ont rien de commun avec les premières. »

Peut-être bien, mais on la remplace par quoi, l’élection ? Ne sommes-nous pas obligés de reprendre la phrase de Winston Churchill à propos de la démocratie : le pire système à l’exception de tous les autres ?

Le vote tel que nous le connaisson­s aujourd’hui est « l’aboutissem­ent d’une longue et difficile histoire » (Rémond encore). Commencée ici au Bas-canada en 1792.

C’est à vous aujourd’hui de la perpétuer.

Voir se dessiner peu à peu le choix d’une nation à partir de millions de décisions individuel­les.

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Enfin une journée où une quasi-totalité de la population se préoccupe directemen­t de politique au sens noble.

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