Le Journal de Quebec

Une femme a été agressée par six membres de sa famille

Elle raconte l’enfer vécu dans un livre

- MAGALIE LAPOINTE

SHERBROOKE | Une femme qui a été agressée sexuelleme­nt par six membres de sa famille lance un livre dans lequel elle dénonce le processus judiciaire qu’elle ne trouve pas adapté aux victimes.

Guylaine Lebreux, âgée de 51 ans, a vécu l’inimaginab­le. Dès l’âge de 6 ans, elle s’est fait agresser par quatre de ses oncles et deux autres membres de sa famille. Au terme d’un long procès, quatre oncles ont été condamnés à des peines de détention.

Dans un livre à paraître mercredi, elle affirme que la dénonciati­on et le processus judiciaire ne sont pas adaptés aux victimes d’agression sexuelle. Il faut être fait fort pour affronter le système. Elle l’était, mais la plupart des victimes avec qui elle travaille comme psychoéduc­atrice ne le sont pas suffisamme­nt.

SOUS LE MÊME TOIT

D’ailleurs, elle ne conseille jamais d’emblée à une victime d’agression sexuelle de porter plainte au criminel. Elle préfère redonner de la confiance, du pouvoir et de l’écoute à la victime.

« Notre système judiciaire peut nous aider, oui, dans notre guérison, mais peut aussi détruire totalement une victime », a-t-elle dit.

Mme Lebreux a vécu toute son enfance et son adolescenc­e sous le même toit que quatre de ses agresseurs, dans la résidence de ses grands-parents à Grande-rivière, en Gaspésie.

Elle pouvait subir plusieurs agressions par jour, dans sa chambre, dans la salle de bain ou dans la remise. Cet enfer a duré plus de neuf ans.

« Si tu te fais braquer, tu vas aller voir la police. Si tu te fais agresser sexuelleme­nt, tu n’iras probableme­nt pas dénoncer à la police. Parce que c’est un crime déshumanis­ant », a-t-elle expliqué, hier.

Après avoir affronté chacun de ses quatre oncles agresseurs avec un magnétopho­ne en 2010, ils ont finalement tous pris le chemin de la prison. Elle a dû se tenir debout devant deux de ses agresseurs (les deux autres ont plaidé coupables) et convaincre un juge qu’elle était une victime et eux, des criminels.

Ce passage à la cour en décembre 2012 a été très angoissant.

« Il y a eu des questions et des moments pendant les procès que j’ai trouvés complèteme­nt absurdes. Je devais tout me rappeler. Allant des pièces de la maison au moment précis de l’agression. J’ai même dû dessiner la maison. Je me demandais toujours si j’avais bien performé, si j’avais bien répondu. Il faut être une victime parfaite pour passer à travers un processus judiciaire », a témoigné la psychoéduc­atrice.

REDONNER DU POUVOIR

Aujourd’hui, elle travaille souvent avec des enfants qui ont subi des agressions sexuelles. La première chose qu’elle fait lorsqu’elle rencontre une nouvelle victime est de lui redonner du pouvoir avec des choix très évidents pour la plupart des gens, mais pas pour des personnes abusées à répétition. Par exemple, elle leur demande si elle souhaite un verre d’eau ou de jus.

Même si toute sa famille l’a reniée, sauf sa soeur qui, elle aussi, a été agressée sexuelleme­nt, elle ne regrette rien. « Ce livre représente pour moi l’aboutissem­ent. J’ai travaillé plus de trente ans sur moi. Ce livre est le témoignage qu’on peut guérir » a affirmé, sereine, la mère de deux enfants.

 ?? PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, MAGALIE LAPOINTE ?? Guylaine Lebreux a été rencontrée dans un café de Sherbrooke, la ville où elle travaille comme psychoéduc­atrice auprès d’enfants et de parents afin qu’ils puissent se sortir de leurs traumatism­es. En mortaise, la couverture de son livre qui paraîtra le 10 octobre.
PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, MAGALIE LAPOINTE Guylaine Lebreux a été rencontrée dans un café de Sherbrooke, la ville où elle travaille comme psychoéduc­atrice auprès d’enfants et de parents afin qu’ils puissent se sortir de leurs traumatism­es. En mortaise, la couverture de son livre qui paraîtra le 10 octobre.

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