Le Journal de Quebec

Laïcité : revenir à l’essentiel

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

La Coalition avenir Québec a remporté une victoire éclatante avec près de 38 % du vote exprimé et 74 députés sur 125. Elle a la légitimité de mettre en oeuvre son programme.

C’est dans un paysage politique éclaté que vont s’articuler les débats à l’assemblée nationale. Et l’un d’eux, et non le moindre, tant par sa complexité que par sa sensibilit­é, est celui sur la laïcité.

UN DÉBAT MAL ENGAGÉ

Or, avant même l’ouverture de la nouvelle session parlementa­ire, les hostilités sont déjà engagées, comme un retour à la case départ.

Le dossier de la laïcité ne peut être mené à coup de tactique et de stratégie. Les péquistes y ont échoué lamentable­ment en torpillant leur propre projet.

En 2012, ils nous avaient promis une CHARTE SUR LA LAÏCITÉ. En 2013, ils ont accouché d’une CHARTE DES VALEURS. Avant-même le dépôt du projet de loi 60, ils en ont coulé les éléments croustilla­nts ne parlant que D’INTERDICTI­ON DES SIGNES RELIGIEUX, vite assimilée à L’INTERDICTI­ON DES « FOULARDS ISLAMIQUES ».

C’est ainsi que la laïcité qui repose sur les principes D’ÉGALITÉ et D’UNIVERSALI­TÉ a été travestie en symbole de DISCRIMINA­TION et D’EXCLUSION. Une bénédictio­n pour les islamistes radicaux qui ont réussi à faire passer le gouverneme­nt Marois pour raciste et xénophobe.

La laïcité est un enjeu de société et non un enjeu de parti. Elle rallierait une majorité de Québécois si on centre le débat sur le fond et non sur les chiffons. Cela commande de la hauteur, de la pédagogie et de l’ouverture.

UN CONSENSUS EST POSSIBLE

Mon expérience m’amène à croire qu’il est possible de dégager un consensus minimum sur l’essentiel, si on mettait la partisaner­ie de côté. L’essentiel étant la laïcité.

Par exemple, dans les jours qui avaient suivi le dépôt de mon projet de loi no 491 sur la neutralité religieuse de l’état, le 12 février 2013, à titre de députée indépendan­te, je suis allée le présenter respective­ment dans les caucus de la CAQ, du PQ et de QS.

Voici ce qu’en disait Françoise David, alors co-porte-parole de QS dans son point de presse, le même jour : « Je veux d’abord saluer la contributi­on de Mme Houda-pepin [...] Elle apporte de nouveaux éléments qui devraient certaineme­nt être repris dans le débat, mais aussi dans la future adoption d’un projet de loi pour une charte de laïcité […]. C’est une contributi­on particuliè­re que je salue. »

Du côté de la CAQ et du PQ, l’accueil au projet de loi a été très positif. N’eût été l’élection hâtive qui avait été appelée, en mars 2013, je suis persuadée que nous serions parvenus à un consensus, excluant le PLQ.

1. Parce que le projet de loi no 491 posait le socle de la laïcité. Il définissai­t la neutralité religieuse de l’état comme un droit nouveau, collectif et individuel, dans la Charte québécoise des droits et libertés et n’interdisai­t le port des signes religieux qu’aux personnes en autorité contraigna­nte (c’est ici : bit. ly/2pegznx).

Sans cette assise juridique qui n’existe, à ce jour, ni dans la Constituti­on, ni dans la Charte canadienne des droits et libertés, ni dans une loi ordinaire, toute législatio­n que le gouverneme­nt du Québec adoptera sur l’inter- diction des signes religieux ne résistera pas au test des tribunaux.

2. Parce que le projet de loi no 491 apporte de vraies solutions à de vrais problèmes auxquels sont confrontée­s nos institutio­ns publiques. Il vise l’harmonie sociale et non l’exclusion.

Plusieurs éléments de ce projet de loi ont été repris depuis par des députés, dont Alexandre Cloutier et Nathalie Roy. Agnès Maltais, avec mon accord, en a reformulé une des sections dans un nouveau projet de loi.

Ce que cet exemple nous dit, c’est qu’il est possible de dégager un consensus sur la laïcité, à condition de ne pas la réduire à une simple affaire de signes religieux.

C’est le piège dans lequel M. Couillard avait précipité le Québec avec son « Over my dead body » et dont la classe politique ne parvient plus à se défaire.

Le PQ, la CAQ et QS avaient aussi déposé des projets de loi à l’assemblée nationale. Pourquoi ne pas mandater les légistes du gouverneme­nt pour les reprendre, en dégager les éléments consensuel­s et déposer un projet de loi bonifié, gagnant pour toute la société québécoise ?

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