Le Journal de Quebec

Une Francophon­ie en manque de souffle

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

Le premier ministre désigné, François Legault, prendra part au XVIIE Sommet de la Francophon­ie, à Erevan, en Arménie, du 11 au 12 octobre prochain, sur fond de discorde autour du poste du futur Secrétaire général de l’organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF), occupé, depuis 2014, par Michaëlle Jean.

DISSIPER LE NUAGE CANADIEN

Les grands joueurs de L’OIF, la France et les pays francophon­es d’afrique ont opté pour l’actuelle ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwab­o.

Déjà, les décideurs africains accusent le premier ministre Justin Trudeau d’avoir abandonné l’afrique. Son entêtement à soutenir Mme Jean n’a rien de rassurant, surtout qu’il a besoin du vote des États africains pour reconquéri­r le siège que le Canada convoite au conseil de sécurité de L’ONU.

Dans ce sens, en prenant ses distances de son vis-à-vis fédéral et de son prédécesse­ur, M. Couillard, qui avait appuyé Mme Jean, sans réserve, le premier ministre Legault a pris une décision avisée.

Pour éviter une crise diplomatiq­ue comme celles que M. Trudeau a provoquées avec l’inde et l’arabie saoudite et pour que le Canada ne perde pas la face, le bon sens commande que Mme Jean retire sa candidatur­e.

Sinon, comment peut-elle gagner la confiance des autres pays quand elle n’est pas parvenue à faire l’unanimité autour d’elle au Canada même ?

DU COLONIALIS­ME À LA COOPÉRATIO­N

Par un retourneme­nt de l’histoire, ce sont trois chefs d’état africains qui ont appelé à la création d’un espace francophon­e, à la suite du mouvement de décolonisa­tion des années 1960.

On doit cette institutio­nnalisatio­n de la Francophon­ie à Habib Bourguiba, président de la Tunisie, et à ses homologues, Hamani Diouri, du Niger, et Léopold Sédar Senghor, du Sénégal.

D’ailleurs, la première rencontre des représenta­nts des gouverneme­nts francophon­es s’est tenue à Niamey, au Niger. Une vingtaine de membres fondateurs, dont le Canada, y ont ratifié, le 20 mars 1970, la Convention de l’associatio­n de coopératio­n culturelle et technique (ACCT).

Le Québec qui s’y joindra en 1971 était en pleine révolution tranquille quand Paul Gérin-lajoie (PGL) l’a placé sur la carte du monde.

C’est lors de son premier voyage officiel en France, en février 1965, que PGL a signé une entente bilatérale Québec-france dans le domaine de l’éducation.

Loin de se laisser intimider par le bras de fer dans lequel il s’était engagé avec le fédéral, il donnera un discours mémorable, le 12 avril 1965, devant le corps consulaire de Montréal, où il élaborera la doctrine qui portera son nom.

« Dans tous les domaines qui sont complèteme­nt ou partiellem­ent de sa compétence, le Québec entend désormais jouer un rôle direct, conforme à sa personnali­té et à la mesure de ses droits », avait-il déclaré.

Mais c’est en 1987, lorsque nous avons accueilli le IIE Sommet de la Francophon­ie, à Québec, que le premier ministre Robert Bourassa en avait fait officielle­ment un partenaire — à part entière — de la grande famille francophon­e mondiale.

L’ARBRE À PALABRES

Depuis que L’OIF a pris le relais en 2005, on se perd dans les dédales de la bureaucrat­ie et la multiplica­tion des structures. En 2017, sous la gouverne de Michaëlle Jean, elle a clôturé l’année financière avec un déficit de plus de 3 millions $ sur un budget de 123,5 millions $.

On reproche à la Francophon­ie institutio­nnelle d’être déconnecté­e des peuples qu’elle prétend servir. Après 50 ans d’existence, elle demeure une chasse gardée des élites politiques, une sorte d’arbre à palabres qui ne porte pas loin.

L’OIF s’est aussi dispersée dans une multitude d’enjeux qui la dépassent et dont elle n’a ni les compétence­s ni les ressources pour les entreprend­re.

Destinée, au départ, aux États ayant le français en partage, elle s’est éloignée de sa mission essentiell­e en accueillan­t en son sein des pays où le français est inexistant.

Avec ses 54 membres, ses 26 pays observateu­rs et ses quatre membres associés, dont le Qatar, il ne faut pas s’étonner que l’arabie saoudite frappe à la porte.

L’OIF a besoin de se recentrer sur sa mission essentiell­e. Il y a tant à faire à soutenir la culture, l’éducation et la langue, surtout que le français perd du terrain en Afrique.

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