Le chasseur de fake news, c’est lui
Le sous-traitant mandaté par Facebook reconnaît que la tâche est considérable
Les fausses nouvelles sur Facebook n’ont pas fini de se propager au Québec : notre Bureau d’enquête a découvert qu’à travers le Canada, une seule personne est mandatée par le populaire réseau social pour les débusquer.
Facebook, de loin le réseau social le plus populaire au monde avec ses 2,2 milliards d’utilisateurs, affirme compter sur un réseau international d’agences de vérification de faits pour contrer les fausses nouvelles, ou fake news. Ce réseau compterait à l’heure actuelle 51 partenaires basés dans 29 pays, dont huit aux États-unis, quatre en Indonésie et trois en France.
Le géant américain a annoncé en juin qu’il étendait au Canada ce programme de vérification des faits. Il a mandaté l’agence France Presse (AFP) pour accomplir cette tâche au pays.
PRIORITÉ À L’INTERNATIONAL
Depuis trois mois, la désinformation sur Facebook au Canada est donc sous la loupe de Louis Baudoin-laarman, un reporter bilingue de L’AFP basé à Montréal.
Celui-ci ne priorise pas nécessairement les nouvelles québécoises, ni même canadiennes, précise le directeur du bureau de L’AFP à Montréal, Éric Thomas.
« On couvre l’actualité pour un public international et pour le fact checking, c’est un peu pareil. Il faut que ça parle aux gens qui vont aussi nous lire en Afrique », souligne-t-il.
JUSQU’À 1500 PAR JOUR
En entrevue, M. Baudoin-laarman explique avoir accès à la base de données Facebook de toutes les présumées fausses nouvelles signalées par le public canadien, soit entre 400 et 1500 articles par jour. Il doit d’abord en faire le tri, ce qui représente déjà une tâche considérable.
« ll y en a beaucoup qui ne sont pas des fake news, mais juste des signalements de la part de gens qui n’approuvent pas des opinions contenues dans des articles », raconte-t-il.
Après ce premier tamisage, le journaliste puise dans le bassin de « vraies fausses nouvelles » celles qu’il souhaite déboulonner. Seules celles susceptibles d’avoir une grande portée sont ainsi neutralisées.
Si un internaute décide malgré tout de partager ces fausses nouvelles sur Facebook, les corrections de L’AFP apparaissent à l’écran en guise d’avertissement. Les contenus pris en faute ne sont donc pas systématiquement effacés, sauf si leurs auteurs en prennent l’initiative.
D’ailleurs, L’AFP tient un blogue bilingue où l’on peut consulter toutes les fausses nouvelles mises à jour. On n’y retrouve que quelques exemples canadiens (surtout en anglais) depuis décembre dernier.
Le journaliste canadien souvent crédité comme étant l’inventeur de l’expression « fake news », Craig Silverman, déplore le fait que ce mandat ait été confié à un organisme étranger.
« Ce n’est pas une source que le Canadien moyen lit beaucoup, donc il serait impératif que les grands médias d’ici commencent à penser à tout ça. »
PAS SUFFISANT
Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec abonde dans le même sens.
« L’AFP est une organisation extrêmement crédible, mais une personne, ce n’est clairement pas suffisant », estime Stéphane Giroux.
Ce dernier ajoute que les fausses nouvelles deviennent plus nombreuses et plus difficiles à identifier.
« Une compagnie avec les poches profondes comme ça [Facebook] devrait investir beaucoup plus dans ce problème. »
Invité à commenter, Facebook a répondu que l’entreprise « est toujours ouverte à la possibilité d’ajouter des partenaires à son programme international de vérification des faits ».