Le Journal de Quebec

Legault ne pourrait contraindr­e les juges

Leur interdire les signes religieux ne serait pas si simple

- GENEVIÈVE LAJOIE

Le gouverneme­nt Legault risque fort de se buter à un mur en voulant interdire les signes religieux chez les juges.

L’indépendan­ce judiciaire prévoit que les magistrats doivent être libres de décider seuls et ne faire l’objet d’aucune influence, notamment du politique.

« C’est clair qu’il y a là un obstacle potentiel pour un gouverneme­nt caquiste qui voudrait toucher au code vestimenta­ire des juges », croit Patrick Taillon, professeur à la Faculté de droit de l’université Laval.

Le nouveau gouverneme­nt de la CAQ prévoit bannir le voile islamique, la kippa, le turban sikh et la croix chrétienne apparente chez les employés de l’état en position d’autorité. Enseignant­s, policiers, gardiens de prison et juges devront afficher une très grande neutralité religieuse.

STATUT PARTICULIE­R

Mais contrairem­ent aux autres employés visés, les juges bénéficien­t d’un statut particulie­r pour assurer leur indépendan­ce.

Si François Legault a le pouvoir de faire adopter une loi dans laquelle il interdirai­t les signes religieux chez les magistrats, son applicatio­n poserait un sérieux problème, selon M. Taillon. « C’est impossible que le gouverneme­nt, ou sa police, ou ses officiers viennent vérifier si la règle est appliquée, ce serait manifestem­ent contraire à l’indépendan­ce judiciaire », insiste le professeur.

Dans un échange courriel avec notre Bureau parlementa­ire, la juge en chef Lucie Rondeau a d’ailleurs précisé que l’organisati­on de l’activité judiciaire des magistrats relève de la Cour du Québec, pas du gouverneme­nt.

« Seul le Conseil de la magistratu­re aurait compétence pour traiter d’une allégation selon laquelle le port d’un signe religieux porterait atteinte à cette obligation », a ajouté la juge en chef Rondeau.

« ON NE CONGÉDIE PAS » À LA TRUMP

La semaine dernière, la députée caquiste Geneviève Guilbault a même prévenu que les récalcitra­nts, ceux qui refuseront de retirer leur signe religieux, seront congédiés.

« Ça devient fort problémati­que. On ne congédie pas à la Donald Trump un juge comme ça », affirme Stéphane Beaulac, professeur de droit à l’université de Montréal.

Il signale que l’inamovibil­ité des juges est un pilier de l’indépendan­ce judiciaire. « La logique est bien facile à comprendre, si on veut qu’individuel­lement les membres de la magistratu­re puissent exercer de façon indépendan­te, on doit être bien limité dans les circonstan­ces qui permettent de limoger, de congédier, de se débarrasse­r d’un juge », explique-t-il.

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