Le Journal de Quebec

Il travaille 110 heures par semaine

Un patron de restaurant met sa santé en danger pour faire marcher son commerce par manque de personnel

- CAMILLE GARNIER

Un restaurate­ur de Longueuil s’épuise à enchaîner des semaines de 110 heures pour faire tourner son établissem­ent parce qu’il ne dispose que de quatre employés alors qu’il lui en faudrait le double.

« Quand je rentre, j’ai juste hâte d’aller me coucher parce que je sais qu’il ne me reste pas beaucoup de temps avant de reprendre, explique Pierre Ménard, le patron du resto-bar Le Célébrité, situé dans l’arrondisse­ment de Saint-hubert. C’est la douche, le lit, puis on se lève quelques heures après et on revient. Je n’ai plus de vie. »

L’homme de 61 ans a les traits tirés et la démarche lourde.

Confronté à une pénurie de personnel récurrente, il a mis en vente son restaurant l’an dernier, mais n’a reçu jusqu’ici aucune offre.

Cela fait un mois qu’il travaille sept jours sur sept, de 5 h jusqu’au soir, depuis que son cuisinier et une serveuse lui ont annoncé qu’ils retournaie­nt aux études.

DOULEURS

« J’ai des maux physiques que j’ai jamais eus, affirme-t-il. J’ai un genou qui me fait mal, je boite, et il y a des jours où je vois que mon coeur ne va pas bien. »

« Faudrait que j’aille voir le médecin, mais j’ai même pas le temps », ajoute M. Ménard en soupirant.

Celui qui a acheté son restaurant il y a neuf ans dit souffrir d’une pénurie de personnel depuis cinq ans, mais juge que la situation empire chaque année.

PETITES ANNONCES

Actuelleme­nt, en plus de l’aide de sa conjointe, il ne dispose que de quatre employés.

Il estime qu’il lui en faudrait le double pour faire marcher son commerce correcteme­nt et pouvoir souffler un peu.

Malgré ses annonces très régulières sur le site internet Kijiji, sur des groupes Facebook et chez Emploi-québec, il ne parvient pas à recruter le personnel nécessaire.

« Juste la semaine passée, j’ai trois serveuses qui m’ont donné rendez-vous et qui se sont jamais présentées, déplore M. Ménard. Elles ont tellement d’offres qu’elles disent oui à trois, quatre postes, et puis elles prennent celui qui leur plaît. »

VENDRE À CONTRECOEU­R

En plus de salaires concurrent­iels allant jusqu’à 18 $ de l’heure pour les cuisiniers, M. Ménard offre pourtant de bonnes conditions.

« J’adore ma place ici, témoigne Francis Gauthier Blondeau, l’un des serveurs du Célébrité. J’ai fait d’autres restaurant­s et il n’y avait pas du tout la même ambiance familiale. »

Le patron apprécie lui aussi l’atmosphère de son restaurant et c’est à contrecoeu­r qu’il envisage de s’en séparer.

« Les clients qui viennent ici, c’est souvent des amis, donc c’est sûr que oui, si je le vends, ça va me faire de la peine, confesse-t-il. Mais à un moment donné, avec ma femme on ne peut plus continuer à travailler comme ça. C’est notre santé qui est en jeu. »

Il dit toutefois espérer encore trouver les employés qui lui éviteront d’avoir à faire ce choix douloureux.

 ?? PHOTO PIERRE-PAUL POULIN ?? Le patron du restaurant Le Célébrité à Longueuil, Pierre Ménard (à gauche), continue de se battre pour faire tourner son affaire avec l’aide de sa conjointe Lucie Barette et de son serveur Francis Gauthier Blondeau (à droite).
PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Le patron du restaurant Le Célébrité à Longueuil, Pierre Ménard (à gauche), continue de se battre pour faire tourner son affaire avec l’aide de sa conjointe Lucie Barette et de son serveur Francis Gauthier Blondeau (à droite).

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