Le Journal de Quebec

Ces entreprise­s qui veulent l’oreille du gouverneme­nt

Elles attendent la formation du gouverneme­nt pour augmenter la pression

- FRANCIS HALIN

Avant même que François Legault ait nommé ses ministres, un club sélect d’entreprise­s s’active déjà en coulisses pour avoir leur oreille, comme le montrent des données obtenues par Le Journal auprès du Commissair­e au lobbyisme du Québec.

« Si vous cédez, comme les autres l’ont toujours fait avant vous, aux pressions du pouvoir, de l’argent et du lobbying, vous allez nous trouver sur votre chemin », a lancé au nouveau premier ministre élu la co-porte-parole de Québec Solidaire, Manon Massé, quelques minutes à peine après sa victoire.

LOBBYISTES PAR CENTAINES

Grâce à des données inédites extraites par le Commissair­e au lobbyisme du Québec, Le Journal a pu « prendre une photo » des sociétés privées qui faisaient le plus de lobbying au 4 octobre dernier.

En gros, plus de 600 lobbyistes défendent les intérêts de cinq grandes entreprise­s. Environ la moitié travaille pour Bell et Énergir, l’autre pour les cabinets Raymond Chabot Grant Thornton, Deloitte et KPMG (voir tableaux).

Pour ce qui est du nombre de mandats, c’est la firme d’ingénierie Englobe, qui trône en tête de liste, suivie du Groupe Mach, Énergir, WSP et Premier Tech.

Côté organisati­ons, c’est la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) qui est la plus active. Viennent ensuite l’union des producteur­s agricoles (UPA) et la Fédération des travailleu­rs et travailleu­ses du Québec (FTQ), la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI) et le Conseil de patronat du Québec (CPQ).

En tout, les organisati­ons patronales ont près de 60 % des mandats, contre environ 40 % pour les grands syndicats.

MAUVAISE PRESSE

Pour le professeur à la retraite de l’université Laval, Raymond Hudon, qui s’est penché toute sa carrière sur les liens entre le pouvoir politique et les lobbyistes, rien ne sert de leur lancer la pierre, comme c’est souvent le cas dans l’opinion publique.

« L’influence malveillan­te, elle existe, mais c’est très rare que l’on puisse jouer à ce jeu-là très longtemps », observe-t-il.

Même chose pour l’auteur d’une thèse de doctorat sur le lobbying et chercheur postdoctor­al au départemen­t de science politique de l’university of Waterloo, Maxime Boucher.

« Ils ont plus de pouvoir que le citoyen moyen, mais, en même temps, c’est l’air qui permet à la démocratie de respirer. C’est ce qui permet d’avoir de meilleures politiques publiques », indique-t-il.

Selon M. Boucher, les politicien­s n’ont pas le choix d’entrer en communicat­ion avec ces entreprise­s-là, parce qu’ils ont besoin de leur expertise. Cela ne l’empêche cependant pas d’être critique à leur endroit.

« La démocratie, c’est supposé être : une personne un vote, mais, très clairement, il y a un problème avec le lobbying, parce que ce n’est pas tout le monde qui a l’argent pour s’organiser en lobby », conclut-il.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, SIMON CLARK ?? Ces cinq dernières années, le nombre d’entreprise­s et d’organisati­ons ayant au moins un lobbyiste actif a plus que triplé, passant de 993 en 2013 à plus de 2298 l’an dernier, selon le Registre des lobbyistes du Québec.
PHOTO D’ARCHIVES, SIMON CLARK Ces cinq dernières années, le nombre d’entreprise­s et d’organisati­ons ayant au moins un lobbyiste actif a plus que triplé, passant de 993 en 2013 à plus de 2298 l’an dernier, selon le Registre des lobbyistes du Québec.

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