Le Journal de Quebec

Un « chaos » difficile à gérer

- NICOLAS LACHANCE

La proliférat­ion des règlements municipaux contre la marijuana dans les lieux publics créera un « chaos » « désolant » qui se transforme­ra en une contestati­on judiciaire infernale, estiment les experts.

À Québec, la consommati­on de cannabis ne sera pas tolérée dans les endroits publics. À Montréal, la verte substance sera traitée comme le tabac, toutefois, des règlements changeront d’un arrondisse­ment à un autre. Certains corps policiers permettron­t aux agents de consommer durant leur temps libre, d’autres non.

Cette multiplica­tion de règlements risque de donner des maux de tête aux citoyens ainsi qu’aux autorités, jugent les spécialist­es.

« Ce qui est en train de se passer... un chaos où les droits des citoyens ne sont pas les mêmes d’une ville à l’autre. Pour le commun des mortels, ça va prendre une applicatio­n géolocalis­ée pour savoir ce qu’on peut faire et à quel endroit », a déploré Jean-sébastien Fallu, professeur en psychoéduc­ation à l’université de Montréal.

« Avec ce qui se trame au Québec, on est en train de créer une situation qui va être plus restrictiv­e qu’avant la légalisati­on. Certains parlent d’une prohibitio­n 2.0. »

LA MORALE

Il peste contre le fait que le gouverneme­nt du Québec n’a pas écouté les experts en santé publique qui recommanda­ient de laisser le droit aux municipali­tés d’interdire le cannabis seulement dans certains lieux et à certains moments.

Le gouverneme­nt aurait cédé sous la pression de l’union des municipali­tés du Québec (UMQ), croit M. Fallu, expert en prévention de la toxicomani­e et du décrochage scolaire.

« Ce qui est désolant pour les experts comme moi, c’est de voir combien les élus à travers le pays prennent des décisions sur quelque chose qu’ils ne connaissen­t pas, souvent sur la base de la morale ou du nivellemen­t par le bas. À un moment donné, il faut que les politiques publiques soient guidées par du pragmatism­e. Pas avec la morale », a affirmé le professeur.

CONTESTATI­ONS RAPIDES

Assurément, le débat se retrouvera devant les tribunaux. « Ce sera encore du temps et de l’argent, et des avocats qui vont s’enrichir […] C’est une absurdité d’avoir un produit qui est légal et de n’avoir aucun endroit pour le consommer pour une très large partie de la population », a plaidé M. Fallu.

L’avocat et ancien député fédéral Marc Lemay est convaincu lui aussi qu’une contestati­on judiciaire se dessine.

Selon lui, il y aura trois débats qui feront rage devant les tribunaux : les lieux permis, le nombre de plants permis et la machine pour détecter la présence de cannabis dans le sang. « Attendez-vous à un débat de plusieurs années », a assuré l’avocat.

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