Le Journal de Quebec

Émouvante rétrospect­ive

La plus importante exposition jamais réalisée sur Marcel Barbeau est inaugurée

- SANDRA GODIN

Enfin. Une première rétrospect­ive est consacrée à un des esprits les plus créatifs que le Québec ait connus, le peintre, sculpteur et pionnier de l’art abstrait, Marcel Barbeau.

Le Musée national des beaux-arts a dévoilé hier l’impression­nante et touchante exposition Marcel Barbeau : en mouvement, en présence de sa fille, la cinéaste Manon Barbeau, et de sa veuve, Ninon Gauthier, avec qui il a vécu durant 47 ans.

Devant la centaine d’oeuvres qui retracent un foisonnant parcours de sept décennies, et qui proviennen­t de plus d’une trentaine de prêteurs publics et privés, on les sentait envahies d’une très grande émotion.

Ninon Gauthier tente d’orchestrer une rétrospect­ive depuis la fin des années 1980. Mais ce n’est qu’à l’automne 2015 que le premier rendez-vous a eu lieu entre elle et le MNBAQ, quelques semaines avant que Marcel Barbeau ne rende l’âme, à 90 ans.

« Il était trop malade pour faire le voyage. Mais j’ai eu le bonheur de lui apprendre que le projet était accepté. Il en était vraiment très heureux, il était ravi. Ça fait très, très longtemps que ça lui est dû », a-t-elle confié hier, en marge de l’exposition.

« C’était inconcevab­le qu’un artiste de cette trempe n’ait pas encore de rétrospect­ive », a soutenu la conservatr­ice et commissair­e de l’exposition Eve-lyne Beaudry.

RECONNAISS­ANCE TARDIVE

Manon Barbeau a eu l’impression de retrouver l’âme de son père. « Papa a peint toute sa vie avec fougue, passion, viscère et âme. De voir tout ensemble ses différente­s périodes, et en mesurer la cohérence, la force, l’évolution, dans une exposition intelligen­te et sensible, ça me touche beaucoup », a-t-elle dit.

Son plus grand regret est qu’il n’y soit pas pour mesurer l’ampleur de son oeuvre, lui qui a souvent été critiqué par ses pairs. « Je pense qu’il avait renoncé à la reconnaiss­ance qu’il méritait. Il avait renoncé à la reconnaiss­ance pour être juste dans le plaisir de créer. »

CRÉATEUR JUSQU’À LA FIN

Complice des Riopelle et Ferron à l’époque du Refus global, manifeste duquel il fut signataire, et artiste qui a contribué au développem­ent de nombreux courants d’avant-garde, Marcel Barbeau créait des oeuvres au style inédit dans le paysage artistique. Pour lui, ni les techniques ni les styles n’avaient de limites.

L’exposition couvre l’ensemble de sa carrière, de la période automatist­e du milieu des années 1940 jusqu’à sa toute dernière période de production. On y retrouve ses oeuvres phares en noir et blanc, les oeuvres d’art optique, pour lequel il a eu une reconnaiss­ance mondiale et les toiles d’abstractio­n géométriqu­e.

Ces chorégraph­ies de formes ont d’ailleurs été une des séries dans laquelle il s’est investi le plus longtemps.

Il a peint jusque dans les toutes dernières semaines de sa vie. « Il est allé, à 90 ans, alors qu’il allait mourir quelques semaines plus tard, renouveler sa batterie de pinceaux, parce qu’il voulait des pinceaux neufs pour ses prochaines oeuvres. Il peignait en fauteuil roulant alors qu’il ne pouvait plus marcher et qu’il était nourri par un tube », a raconté Manon Barbeau.

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La sculpture Fenêtre sur l’avenir a été empruntée à l’université Mcgill. La fille de l’artiste, la cinéaste Manon Barbeau, a souligné la liberté, l’audace et le désir « viscéral » de son père de sortir des sentiers battus. L’oeuvre Giboulée, qui date de 1975. PHOTOS STEVENS LEBLANC 3
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