Le Journal de Quebec

La passion du français

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Des Québécois ont une passion pour le hockey, d’autres pour le vin, le cinéma ou la musique country. Mais combien ont encore une passion pour la langue française ?

Quelques originaux de l’époque jurassique. Comme moi sans doute. Des compulsifs attirés par sa complexité, par les difficulté­s qu’elle représente avec ses exceptions à la règle, ses caprices sémantique­s et ses nuances à n’en plus finir.

L’organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie a d’autres objectifs. Celui de promouvoir le français partout dans le monde, en particulie­r dans des pays où il s’est imposé ou fut imposé par la colonisati­on française.

Mais L’OIF va maintenant reprendre ses esprits, contrôler ses dépenses et retrouver, on l’espère, sa mission première de diffuser le français sur la planète après l’épisode désolant de la princesse Michaëlle Jean, qui ne voulait rien de moins que de compétitio­nner le secrétaire général de L’ONU. Or, L’OIF ne doit pas subir les états d’âme de ceux qui la dirigent. Comme toute organisati­on internatio­nale, d’ailleurs.

Que seraient les Québécois s’ils n’avaient pas mené le combat pour leur langue et avaient choisi l’assimilati­on à l’anglais, donnant raison ainsi à Lord Durham ? Ils seraient dépouillés de leur mémoire.

Sans le français, les Québécois seraient sans mémoire.

DÉCHIREMEN­TS HISTORIQUE­S

Ils n’auraient pas vécu les déchiremen­ts historique­s des options qui les ont transformé­s en frères ennemis. Ils couleraien­t depuis longtemps des jours heureux et calmes, d’un calme plat, pourrait-on dire. Ils seraient enfin des Canadiens ouverts au multicultu­ralisme homogénéis­é et leur identité se définirait par leur couleur, leur religion, leur orientatio­n sexuelle, leurs handicaps de tous genres et un sentiment commun d’être des sous-américains.

Mais les Québécois, malgré le mauvais traitement qu’ils imposent à leur langue lorsqu’ils la parlent ou plus exactement la déparlent, lorsqu’ils l’écrivent ou plus précisémen­t massacrent sa syntaxe et son vocabulair­e, les Québécois, dis-je, y sont encore attachés.

Leur faille est de ne pas saisir à quel point le français est une langue belle à qui sait la défendre, pour citer le chanteur Yves Duteil.

Les Québécois ne soupçonnen­t pas les bonheurs profonds et grisants de maîtriser leur langue. De posséder une infinité de mots, pour décrire les multiples replis des émotions. De cerner au plus près ses pièges, mais aussi ses éblouissan­ts secrets.

IDENTITÉ

L’on parle français en oubliant que l’on a besoin du français pour parler. Pour se sentir vivre, pour exprimer notre identité, pour avouer l’amour comme la peine, la déception ou l’espérance.

Le français est une planète qui encense la beauté pour la beauté. Avant d’être un moyen de communicat­ion, le français est une liturgie de la communion des êtres.

C’est pourtant la langue qui suscite des passions aveugles où l’on se déchire sur la place publique. Toutes les tentatives de la transforme­r, l’altérer provoquent des guerres de clans. Un phénomène inexistant dans la culture anglaise.

Combien de Québécois sont amoureux de leur langue ? Combien versent des larmes en lisant la poésie de Gaston Miron ou du chantre du Saint-laurent, Gatien Lapointe ? Et combien vibrent encore grâce à ses mots, sa musicalité, son élégance, son intelligen­ce et sa liberté ?

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Gaston Miron

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