ANTOINE ROBITAILLE Moreau, dauphin aux dents de requin
Quoiqu’on dise, c’est vraiment « le roi est mort, vive le roi » en matière de course à la chefferie dans nos partis politiques.
Surtout ceux qui, comme le PLQ, sont d’abord et avant tout des partis de pouvoir.
Le corps du PM Couillard n’était pas encore totalement refroidi que Pierre Moreau, désigné depuis des années comme le principal aspirant – ce qui lui valut le surnom de « dauphin » – se manifestait : « Je ferme la porte à rien du tout. Bien au contraire », a-t-il dit à l’entrée du dernier Conseil des ministres libéral.
BATTU PAR DES FRANCOS
Ça prend du front, maugréèrent certains rouges.
Après tout, M. Moreau n’a même pas réussi à conserver sa circonscription, Châteauguay, nid solide qu’il avait hérité de Jean-marc Fournier en 2008.
Et ce n’était pas la première fois qu’il perdait un château. En 2007, un adéquiste de 22 ans, Simon-pierre Diamond (devenu libéral par après), lui avait ravi Marguerite-d’youville (aujourd’hui intégrée à Montarville) que Moreau représentait depuis 2003.
Au PLQ habituellement, on s’attend à ce que tout dauphin ait transformé son comté en une sorte de roc sur laquelle les vagues se brisent.
Juste ça en aurait découragé bien d’autres. Ainsi, des anti-moreau signalent en coulisse que Sébastien Proulx, lui, a réussi à tenir le fort dans Jean-talon, en milieu francophone par-dessus le marché.
EUPHORIQUE
Mais Pierre Moreau y tient. Sa joie de replonger dans la lutte pour la tête du PLQ est telle qu’une sorte d’euphorie l’animait jeudi.
Lorsqu’un reporter lui demanda si le temps maussade à l’extérieur s’apparentait à son moral en ce lendemain de défaite, l’ex-ministre a eu ces mots : « Pas du tout. Sincèrement, je suis très serein, très en paix avec le résultat. »
J’ignore s’il y a de quoi être euphorique, mais on doit admettre que Pierre Moreau part avec de bonnes cartes dans son jeu.
Déjà, deux personnes clés de la transition actuelle sont parmi ses plus fervents partisans de 2013 : Pierre Arcand, élu chef par intérim ; et Filoména Rotiroti, qui demeure présidente du caucus libéral. Elle qui, en 2013, fut présidente de la campagne à la chefferie de Moreau.
Parmi ses appuis de l’époque, il peut aussi compter, à l’intérieur du caucus, sur Francine Charbonneau (Mille-îles) et Maryse Gaudreault (Hull).
En plus, il ne faut pas oublier que l’ennemi numéro 1 du « réseau Moreau », l’ancien policier Guy Ouellette, a été éjecté de l’aile parlementaire libérale dès sa première réunion.
OBSTACLES
La quête de Pierre Moreau ne s’annonce pas facile pour autant.
Le fait de ne pas être au caucus peut certes lui permettre de se consacrer à temps plein à son combat pour la tête du parti. Mais cela fera de lui une sorte de candidature « externe ». « Comme Philippe Couillard en 2013 »... me rétorquera-t-on avec raison. Par ailleurs, il a dû se défendre quant à l’âge qu’il aurait au prochain scrutin. Peut-il attirer la jeunesse, lui qui entre dans la soixantaine ? Sur ce plan, les Dominique Anglade et André Fortin sont de toute évidence favorisés.
Chose certaine, il ferait un chef de l’opposition aux dents acérées. Ce qui, cependant, ne le rendrait pas sympathique pour la suite. Déjà, son tempérament acariâtre a paru au grand jour lors de multiples brouilles publiques : entre autres avec le président de l’assemblée nationale Jacques Chagnon, mais aussi avec la direction d’hydro-québec.
Quant au rapprochement que tous semblent souhaiter au PLQ avec les francophones, difficile d’imaginer Pierre Moreau l’incarner, lui qui n’a jamais montré ne serait-ce qu’un brin de sentiment nationaliste.
« Je suis résolument fédéraliste. Depuis le début de mon engagement politique, j’ai toujours été fédéraliste », martelait-il en 2013 en rejetant les velléités de règlement constitutionnel de Philippe Couillard. Du même coup, il laissait planer un doute sur l’autre aspirant, Raymond Bachand, un ex-péquiste.