Le Journal de Quebec

Cette Afrique que nous continuons d’ignorer

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Le dernier Sommet de la Francophon­ie a largement été accaparé par la controvers­e autour du remplaceme­nt de Michaëlle Jean par la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwab­o, au poste de Secrétaire générale de l’organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF). UN PARCOURS SANS FAUTES

Cette passe d’armes est l’arbre qui cache la forêt. Les pays francophon­es d’afrique font face à des défis réels. Qu’il suffise de mentionner le recul significat­if de la langue française ou les enjeux touchant à la démocratie et à la sécurité.

Le premier ministre désigné, François Legault, qui y a représenté le Québec, était à sa première mission internatio­nale, mais il a effectué un parcours sans fautes. Il s’est concentré sur ses priorités, notamment la langue française et l’économie.

Depuis Robert Bourassa, le dossier jeunesse relève de la responsabi­lité du premier ministre. M. Legault s’en est bien acquitté en annonçant une « initiative québécoise en matière de créativité entreprene­uriale jeunesse en Francophon­ie », accompagné­e d’un budget de 4,5 millions $, sur quatre ans.

Il a également pris soin de consolider les liens du Québec avec des partenaire­s clés en ayant des entretiens avec le président français, Emmanuel Macron, les présidents de la Confédérat­ion suisse, Alain Berset, celui du Sénégal, Macky Sall, du Rwanda, Paul Kagamé, ainsi qu’avec le vice-président de la Côte d’ivoire et le ministre des Affaires étrangères d’haïti.

L’AFRIQUE : L’AVENIR DU MONDE

Malgré que l’afrique soit un joueur important dans l’économie mondiale, elle peine à avoir, au Québec, une couverture médiatique adéquate.

Pourtant, c’est un continent en plein essor qui détient à lui seul 30 % des ressources naturelles les plus importante­s du monde et son PIB ne cesse de croître.

L’afrique est en voie de devenir la troisième puissance démographi­que du monde après la Chine et l’inde et compte déjà plus de 200 millions de jeunes de 15 à 24 ans, la plus grande population de jeunes au monde.

Sur le plan du leadership, une génération de jeunes entreprene­urs, poussée par la révolution des technologi­es de l’informatio­n, est en train de s’approprier le pouvoir et de changer le visage de l’afrique. Les femmes en particulie­r sont de puissantes agentes de ce changement.

Et pourtant, le Canada qui avait déjà joué un rôle de premier plan en Afrique a tout simplement disparu de ses écrans radars. Le premier ministre, Justin Trudeau, a d’autres chats à fouetter. Il a abandonné l’afrique et perdu, du même souffle, le capital d’estime que son père y avait gagné dans les années 1970.

UNE POLITIQUE POUR L’AFRIQUE

Le Québec, avec des moyens beaucoup plus modestes, avait su, grâce à ses ONG de solidarité internatio­nale et sa coopératio­n institutio­nnelle, faire sa place auprès des pays africains.

Ses relations bilatérale­s n’ont pas toujours été cohérentes et manquaient d’ambition. Mais l’heure de vérité a sonné. Le Québec doit jouer un rôle plus accru en Afrique. Cela est d’autant plus urgent que la Chine convoite les richesses de l’afrique et son espace culturel.

Elle vient de s’engager à y investir un autre 60 milliards $, sur trois ans, dont 15 milliards sous forme d’aide, sans contrepart­ie, et de prêts sans intérêt.

Le Québec n’a pas les moyens de concurrenc­er la Chine ni la France, mais en Afrique francophon­e, le Québec jouit d’avantages comparatif­s non négligeabl­es, notamment le fait de partager un espace linguistiq­ue et culturel commun, celui de la francophon­ie et que nous disposons d’une expertise pertinente, tout en français, utile à l’afrique, en matière d’éducation, de formation profession­nelle, de progrès technologi­que, d’entreprene­uriat féminin, de développem­ent démocratiq­ue et de gestion pacifique des conflits.

Le fait que l’afrique dispose, aujourd’hui, d’un marché capable d’accueillir un plus grand volume de nos exportatio­ns et qu’elle entreprend, annuelleme­nt, de grands travaux d’infrastruc­ture, autant d’occasions pour nos entreprise­s de faire valoir leur savoir-faire.

Le fait aussi que nous sommes une société ouverte sur le monde qui favorise le libre échange, alors qu’ailleurs on érige des murs. À quand une véritable politique québécoise pour l’afrique ?

Voir aussi ma chronique du 8 octobre dernier : bit.ly/2ncaskp

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