Le Journal de Quebec

Maudite nostalgie LISE RAVARY

- e Blogueuse au Journal lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Vivre ici et maintenant, au coeur de notre époque, me semble plus passionnan­t que de pourchasse­r des passés décomposés par le temps. Et pourtant…

Plus la grande horloge avance, plus il est difficile de trouver du réconfort dans un futur qui rétrécit.

Qu’on le veuille ou non, nous passons plus de temps dans les dédales de ce qui nous a rendus heureux, mais qui n’existe plus, qu’à imaginer ce qui nous guette au tournant.

JARDIN SECRET

En réalité, d’avoir été heureux ou non compte peu. Je détestais être pensionnai­re. Pourtant, par pur plaisir, je passe maintenant de longs moments à visiter dans ma tête l’intérieur du couvent d’hochelaga, ce palais de l’éducation où j’ai vécu quelques années, un chefd’oeuvre d’architectu­re néo-classique construit en 1860 et démoli en 1970 pour permettre l’élargissem­ent de la rue Notre-dame. Ce qui n’a jamais eu lieu.

Le problème, c’est qu’il y a des trous dans ma mémoire. Appel à toutes : qu’y avait-il de l’autre côté du dortoir des grandes ?

J’ai beau me méfier de la nostalgie, j’aimerais que les écoles d’aujourd’hui soient aussi inspirante­s que celles d’autrefois et qu’un secondaire ordinaire soit aussi exigeant, mais enrichissa­nt que le cours classique que je détestais pourtant à 12 ans.

SHE LOVES YOU YEAH

La musique populaire est aussi un coffre aux trésors pour les nostalgiqu­es.

La grosse machine marketing le sait et elle nous titille avec « la dernière tournée d’elton John », « le dernier spectacle de Paul Simon », « Sylvain Cossette chante les années 80 » et autres « Kiss, End of the Road Farewell tour ».

J’attends juste « Nuance, la tournée d’adieu ».

Mais quand on y pense, savoir que plus jamais Elton John, un des plus grands showman et compositeu­r de musique populaire, ne remontera jamais sur scène a de quoi vous donner un cafard olympique. Même chose pour Mccartney : je doute qu’il revienne.

Led Zeppelin, dissous en 1980 à la mort du batteur John Bonham, vient de lancer un album de photos pour marquer son 50e anniversai­re. Un greatest hits visuel pour conjurer le temps et le destin.

Ils vont en vendre des tonnes, si ce n’est que pour nous aider à rêvasser, en écoutant Whole Lotta Love, devant des photos de Robert Plant quand il était beau comme un dieu.

MAKE AMERICA GREAT AGAIN

Au-delà de ces divertisse­ments frivoles, la chasse au passé est un leurre dangereux, surtout en politique.

Ce qui était, mais ne sera plus jamais. Donald Trump veut ressuscite­r l’amérique industriel­le d’avant-guerre, avec le roi charbon et sa pollution. Dans un récent discours sur l’économie américaine, Trump n’a jamais prononcé les mots « innovation », « technologi­e », « créativité », « recherche scientifiq­ue, intelligen­ce artificiel­le », etc.

L’avenir trumpien est fait de hauts-fourneaux, de chaînes de montage et du commerce d’armes de guerre avec des crapules comme les Saoudiens.

Pour lui, seuls les emplois manufactur­iers valent quelque chose. Tant mieux s’ils reviennent – ils sont source de bons emplois —, mais un pays qui refuse de harnacher les forces du futur, matérielle­s et humaines, va droit au mur.

Il n’y a pas d’avenir dans le passé, que des leçons. Savons-nous les reconnaîtr­e ?

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