Le Journal de Quebec

Arabie saoudite : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire

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Des scrupules, oubliez ça ! Tourner autour du pot ? Protéger ses arrières ? Respecter les sensibilit­és ? Donald Trump n’en a rien à faire ! Des exemples, il nous en fournit tous les jours dans le Bureau ovale. Cette semaine, il a cogné la cloche au sommet du poteau de la franchise : l’arabie saoudite, on touche pas !

Pendant la course à la présidence, en 2016, dans tous les sondages crédibles réalisés sur ses traits de caractère, sa personnali­té, son comporteme­nt, Donald Trump faisait piètre figure. Quelques jours précédant le vote, sur un point toutefois, Trump dominait sa rivale : 46 % des Américains le trouvaient franc et honnête, contre 38 % pour Hillary Clinton.

Plus personne ne devrait avoir de doutes, le président américain dit tout haut – ou exprime via Twitter – tout ce qui lui passe par la tête. Même ceux qui le détestent lui reconnaiss­ent qu’il n’est pas homme à faux bond ou entourloup­ette, au risque de provoquer des crises diplomatiq­ues ou de transgress­er des décennies de politique humanitair­e américaine.

Une nouvelle preuve ? La disparitio­n du journalist­e saoudien Jamal Khashoggi, présumé assassiné à l’intérieur du consulat d’arabie saoudite, à Istanbul, par une quinzaine d’agents envoyés de Riyad. Les détails, s’ils viennent à être confirmés, sont horribles : l’éditoriali­ste de 60 ans aurait été battu et torturé avant d’être tué, et son corps, démembré.

LES INTOUCHABL­ES

Interrogé jeudi à la Maison-blanche sur ses intentions, le soi-disant leader du monde libre s’est offusqué que Washington puisse se montrer sévère avec la monarchie saoudienne : « Ils dépensent 110 milliards de dollars en équipement militaire et dans des projets qui créent des emplois aux ÉtatsUnis. Je n’aime pas l’idée d’arrêter un tel investisse­ment. »

Pas de pirouette ou d’échappatoi­re politicien­ne : les Saoudiens rapportent, tant pis pour Khashoggi. Ce serait naïf de trop s’en étonner, mais l’occasion mérite de rappeler que l’arabie saoudite – selon nos règles – est un mauvais joueur.

Monarchie islamique absolue, la famille Al Saoud laisse une place insignifia­nte au Conseil de la Choura, un vague parlement où les « élus »… sont nommés par le roi. Le manque flagrant et constant de respect pour les droits de la personne tient de la légende. La liberté d’expression y est considérab­lement restreinte, tout comme la liberté de religion. N’essayez surtout pas d’afficher votre homosexual­ité, vous risquez la peine de mort.

Quant aux droits des femmes, il s’agit de se rappeler du déchaîneme­nt diplomatiq­ue saoudien après le tweet de la ministre canadienne des Affaires étrangères, en août dernier, s’inquiétant de l’arrestatio­n de la militante Samar Badawi. Le message ne valait pas que pour les Canadiens, la planète entière a compris que personne ne devait oser défier Mohammed ben Salmane, le jeune et prétentieu­x prince héritier.

DES ALLIÉS PRATIQUES

Les États-unis, peu importe le bilan du régime, n’ont pas l’intention de laisser tomber l’arabie saoudite. Les Américains sont les premiers exportateu­rs d’armes au monde et les Saoudiens, avec 70 milliards de dépenses militaires l’année dernière, leur principal client.

La Maison-blanche de Trump est obsédée par l’iran, et ça tombe bien, les Saoudiens détestent les Iraniens. Riyad est prête à fournir en pétrole les pays qui devront mettre fin à leurs contrats avec Téhéran à cause des sanctions américaine­s annoncées. C’est notamment le cas de l’inde, le deuxième acheteur de pétrole iranien après la Chine.

Les Saoudiens mènent aussi une guerre furieuse au Yémen contre les complices locaux des Iraniens, les Houthis. Un conflit cruel dans lequel l’arabie saoudite a déjà engouffré des dizaines de milliards de dollars. Beaucoup de souffrance, mais aussi beaucoup d’armement. Et du coup, Trump l’a dit, beaucoup de jobs. Alors, chut !

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