L’héritage de Jean Charest
Il y en a un qui s’en tire à très bon compte dans toutes les analyses postélectorales dont on peut prendre connaissance ces joursci. Il s’agit de l’ancien chef du Parti libéral, Jean Charest.
En effet, on devise abondamment sur la marginalisation du PLQ dans le vote francophone et sur la nécessité pour ce parti vieux d’un siècle et demi de se reconnecter sur ses racines nationalistes. On rappelle aussi que les affaires d’éthique et un certain parfum de corruption continuent de pourrir le discours libéral.
Or, dans tous ces cas, on ne peut pas en imputer la seule responsabilité à Philippe Couillard. Le Parti libéral actuel, c’est beaucoup celui de Jean Charest.
MOINS SINCÈRE
Sur le plan constitutionnel, on a souvent entendu dire, au cours des dernières années, que Philippe Couillard était le premier ministre le plus inconditionnellement fédéraliste depuis Adélard Godbout. C’est vrai, sauf qu’on disait déjà la même chose de son prédécesseur.
La principale différence, c’est que Jean Charest ne se livrait pas à de grandes tirades sur son amour du Canada comme le faisait Philippe Couillard, se contentant souvent de dire que les Québécois ne voulaient plus entendre parler de souveraineté. En gros, le 29e premier ministre du Québec ne faisait qu’être moins sincère que le 31e.
Accordons au moins au plus récent le mérite d’avoir été plus volontaire que son devancier, ce qui n’est pas peu dire, en faisant rédiger une position constitutionnelle touffue et cohérente avec le document Québécois, notre façon d’être Canadien. Jean Charest, lui, s’était contenté d’ânonner pendant neuf ans que le fruit n’était pas mûr.
Sur le plan identitaire, M. Charest ne s’était pas montré plus dynamique que M. Couillard, il a simplement été plus habile, ce qui peut d’ailleurs se dire si on compare tous les aspects du bilan des deux hommes. L’avant-dernier chef libéral a essentiellement créé la Commission Bouchard-taylor, sans donner suite à ses recommandations et sans, évidemment, exprimer le même mépris pour les préoccupations des Québécois que notre avant-dernier premier ministre. Sur le fond, toutefois, l’approche est la même.
UN PATRIMOINE
On rappelle également l’austérité de Philippe Couillard pour en appeler à un virage progressiste pour le parti qui fut celui de Jean Lesage. Fort bien, mais a-t-on oublié la réingénierie de l’état, les PPP et les manifestations permanentes devant l’assemblée nationale pendant les premières années Charest ? Oublie-t-on qu’il a été, en 2007, le premier premier ministre en 40 ans à échouer à obtenir deux mandats majoritaires de suite pour son parti ? Il y avait des raisons pour ça.
Finalement, sur le plan éthique, Philippe Couillard n’a pas arrêté de répéter que toutes les affaires qui affectaient son gouvernement n’avaient pas trouvé leur origine sous sa direction. C’était, là encore, l’héritage de Jean Charest.
Mais ce patrimoine se porte bien, parce qu’alors que tout parti qui connaît une dégelée électorale telle que celle qui fut infligée aux libéraux le 1er octobre dernier, ils n’auront pas à trop se serrer la ceinture. En effet, les conséquences financières de cette déconvenue seront amoindries par le fait que le PLQ possède ses propres locaux, achat financé à l’époque où on récoltait neuf millions de dollars par année et que les contrats d’infrastructures mâtinés d’extra coulaient à flots.
L’héritage de Jean Charest peut dormir tranquille.