Le Journal de Quebec

Les libéraux n’ont rien compris

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Le chef intérimair­e libéral Pierre Arcand a commis une erreur de fait commode dans son premier discours officiel.

La récente élection, a-t-il affirmé, a enregistré « son plus faible taux de participat­ion depuis 1927 ». Cela l’a amené à conclure sur un ton grave à un problème très vaste : « Il y a, semble-t-il, un fossé entre les politicien­s et la population […] un cynisme envers la classe politique. »

L’ennui est que la prémisse est fausse ! En 2018, le taux de participat­ion a été de 66,45 %. Près de 10 % de plus que celui de 2008, qui fut de 57,43 %.

2008

Il y a longtemps qu’on est cynique au Québec. Entre autres à cause du Parti libéral.

L’élection de 2008 justement, c’était celle des « deux mains sur le volant » de Jean Charest, des cachotteri­es libérales sur les pertes de la Caisse de dépôt, du « tablettage » du rapport Bouchard-taylor. L’apogée aussi du PLQ, « machine à ramasser de l’argent »… et son retour arrogant au statut de majoritair­e après le traumatism­e de 2007.

En soutenant que le problème des libéraux de 2018 est au fond celui de la classe politique en général, M. Arcand fait dans le déni.

Hier, M. Arcand a fait dans le déni.

LES BRAISES DE L’INQUIÉTUDE

Il a certes osé ceci : « Les Québécois ont boudé notre formation politique. Il va falloir [nous] questionne­r, identifier les causes ayant mené à ce résultat. »

Mais le reste du discours de M. Arcand et la conférence de presse qui a suivi contredisa­ient précisémen­t cette volonté de comprendre.

D’abord, il a repris la vieille rengaine couillardi­enne – épouvantai­l de substituti­on en l’absence de celui de la souveraine­té – selon laquelle la majorité québécoise s’apprêterai­t à maltraiter ses minorités anglophone­s et allophones.

Et à ce moment, M. Arcand l’a fait en anglais ! « Pour ceux qui sont inquiets des résultats de cette élection, ayez l’assurance que nous serons là pour veiller à ce que le gouverneme­nt respecte vos droits. Le Québec doit rester une société libre et ouverte. » (Notre traduction)

Sérieuseme­nt, y a-t-il vraiment des signes que le Québec s’apprêterai­t à devenir une société fermée et intolérant­e ?

Le chef du PLQ préfère souffler cyniquemen­t sur les braises des inquiétude­s des minorités afin de s’assurer de leur soutien. C’est le vieux truc : comme lorsque Carlos Leitao s’est fait prendre à dire que le nationalis­me de la CAQ était « ethnique » ; comme lorsque Mohammed Barhone, candidat libéral dans Taillon, a affirmé que la CAQ préparait un « nettoyage de l’immigratio­n » ! Diviser ainsi la population n’a rien de bien glorieux.

Autre rengaine que M. Arcand a reprise : les libéraux auraient sauvé le Québec de la dèche. Avant 2014, l’économie allait mal. Le Québec était endetté, faisait des déficits. Depuis Couillard et Leitao, tout va bien ! « Et merci à Carlos ! »

Noircir excessivem­ent le passé, taire les nombreux effets de la décennie Charest (2003 à 2012 !) sur les finances publiques, mépriser les inquiétude­s de la majorité francophon­e : voilà qui explique en grande partie la défaite historique du PLQ et pourquoi il s’est mué en The Liberal Party of Montreal. Les libéraux n’ont pas l’air de s’en rendre compte.

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