Le Journal de Quebec

Le grand jour

- RICHARD MARTINEAU

C’est aujourd’hui le grand jour !

Le Canada va montrer à la planète entière de quel bois il se chauffe !

Oubliez la découverte de l’insuline, l’inaugurati­on de la voie maritime du Saint-laurent, l’invention du téléphone, de la pile alcaline et du stimulateu­r cardiaque, la création des Casques bleus, la participat­ion du Canada à la Libération de l’europe et à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, et l’invention du curling et du basketball…

Tout ça, c’est de la petite bière à côté de ce qui se passe aujourd’hui.

Le Canada légalise le pot !

UN GRAND PROJET DE SOCIÉTÉ

Qui a dit que nous n’avons plus de projets de société à offrir à nos jeunes ?

Justin Trudeau a montré qu’il y a encore de la place pour le rêve au XXIE siècle ! J’imagine déjà la minute du Patrimoine... « Un jour, alors qu’il tirait une poffe entre deux cours, le professeur d’art dramatique Justin Trudeau s’est dit : Samuel Bronfman est devenu milliardai­re en vendant du whisky, pourquoi ne vendrions-nous pas du pot ? Après tout, selon ma mère qui en a fumé avec Mick Jagger, c’est l’un des meilleurs au monde…

« Devenu premier ministre du Canada, Justin Trudeau a travaillé d’arrache-pied pour que ses compatriot­es puissent oublier leurs problèmes en se gelant la bine au grand jour !

« Depuis, grâce à ses efforts incessants, le pot canadien est reconnu à travers le monde, au même titre que les queues de castor, la Molson Export, la sculpture esquimaude et la police montée !

« Justin Trudeau : un autre grand Canadien ! »

UN SOMMEIL PARADISIAQ­UE

Les pays et les États qui ont légalisé le pot mettent tous l’accent sur le côté cool et festif du produit.

Le signe peace and love, la grande feuille verte, le reggae... Pas ici.

Après tout, nous sommes au Canada. Nous avons un côté british, prêtons serment à la reine et faisons partie du Commonweal­th. Bref, on se garde une petite gêne. Ici, le pot est vendu comme s’il était un médicament. Tout est épuré, inodore et incolore, comme dans une pharmacie ou un laboratoir­e.

Tout juste si les commis ne portent pas une chienne blanche, un masque chirurgica­l et des gants.

On dirait une scène du Meilleur des mondes d’aldous Huxley, ce roman d’anticipati­on qui se déroule dans un avenir parallèle.

Afin de plonger les citoyens dans une sorte de sommeil paradisiaq­ue, et ainsi s’assurer qu’ils ne revendique­nt rien et acceptent passivemen­t leur sort, l’état leur distribue une drogue, le soma, à la fin de leur journée de travail.

On nous tond sous toutes les coutures? Notre premier ministre creuse la dette à la vitesse grand V? Le gouverneme­nt peine à trouver un grand projet inspirant capable de nous rassembler?

Ça ne fait rien, la vie est belle, le ciel est rose et le pot est légal.

Afin de ne pas voir ses profits s’envoler vers les caisses de l’état, le crime organisé a revu le prix de son pot à la baisse. L’essence et la bouffe sont de plus en plus chères. Mais le prix du pot chute. Quelle belle époque...

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