Le Journal de Quebec

Où s’en va Le Devoir ?

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Déjà abordée par Richard Martineau, l’affaire est assez grave pour que j’y revienne.

Samedi dernier, un éditorial de Robert Dutrisac dans Le Devoir avançait que la charte des valeurs du gouverneme­nt Marois tentait « d’exploiter les sentiments chauvins et xénophobes d’une frange réactionna­ire de la population (…) ».

C’est inqualifia­ble.

N’IMPORTE QUOI

Quand on lance une accusation aussi grave, on doit l’accompagne­r d’une démonstrat­ion étoffée. Ici, le vide absolu.

Reprenons nos esprits : la charte ne voulait pas interdire à quiconque, y compris à un employé de l’état, de croire à la religion de son choix.

Elle posait que l’état doit être neutre en matière religieuse. Conséquemm­ent, elle estimait nécessaire que ceux qui représente­nt l’état fassent preuve de réserve en matière de foi pendant les heures de travail.

En dehors du travail, cette personne fréquenter­a les lieux de culte et arborera les signes religieux qu’elle veut.

Où est l’exploitati­on de « sentiments chauvins et réactionna­ires » ?

Par ailleurs, tous les sondages indiquaien­t qu’une majorité de francophon­es appuyait cette charte.

On n’est pas obligé d’être d’accord avec une opinion parce qu’elle est majoritair­e, mais cela fait quelques millions de personnes que l’on associe grossièrem­ent au chauvinism­e et à la xénophobie.

De tels propos n’auraient pas étonné sous la plume de certains chroniqueu­rs du Devoir.

Le problème est qu’il s’agissait d’un éditorial, donc de la position officielle de la maison.

Si c’est le cas, je confesse que je serais attristé, mais pas étonné.

Suis-je le seul à noter que ce journal se cherche un positionne­ment depuis longtemps ?

Suis-je le seul à noter que hormis les Rioux, David et Cornellier, on y retrouve en quantité abondante tous les poncifs de la rectitude politique pseudo-progressis­te ?

Suis-je le seul à noter, dans les articles signés par les jeunes journalist­es, le consternan­t retour du mot « province », techniquem­ent correct, mais dont ils ne mesurent pas, car ils n’ont aucune mémoire politique, la triste régression dont il est porteur ?

Cette évolution serait, remarquez, le droit le plus strict des artisans du journal, mais elle me semble trancher avec une certaine idée du Québec longtemps défendue par cette institutio­n.

ODIEUX

Dans une tentative ratée de rétropédal­age, M. Dutrisac ajoute que la charte faisait passer pour des « valeurs québécoise­s » et pour un enjeu « identitair­e » cette valeur « universell­e » que serait la laïcité. Cette opposition est totalement factice. Le cheminemen­t du Québec vers la laïcité, débuté grosso modo avec la Révolution tranquille, est en phase avec la sécularisa­tion croissante des sociétés occidental­es.

Il n’y a donc aucun problème à dire d’une valeur à vocation universell­e qu’elle est aussi une valeur « québécoise », et donc une composante de notre « identité » collective, à laquelle on s’attend que se conforment ceux qui choisissen­t de devenir des Québécois.

Certes, le PQ a eu tort de vouloir en faire un enjeu électoral. Mais c’est un autre débat, qui n’a rien à voir avec l’odieuse et gratuite accusation proférée.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada