La pente savonneuse
À observer la logique paradoxale de notre société, on pourrait la croire schizophrène.
D’une part, Hubert Lenoir glace le sang des téléspectateurs lorsqu’il révèle ses idées suicidaires sur le plateau de Tout le monde en parle.
VIE
Pareille déclaration affole parce qu’on sait pertinemment que le suicide ne traduit jamais une réelle volonté de mourir, mais bien le désir d’arrêter de souffrir. Chez une personne en bonne santé physique, cet acte traduit une souffrance émotionnelle intolérable. Heureusement, notre société s’évertue à empêcher quiconque de commettre l’irréparable. Là, on célèbre la vie.
D’autre part, l’aide médicale à mourir est non seulement acceptée maintenant, mais elle est devenue le geste suprême de compassion. Aussi aseptisée soit-elle, cette expression exprime l’acte de tuer pour soulager des souffrances physiques. J’avais déjà écrit sur les dérives potentielles de cette logique mortifère et sur l’étiolement inéluctable du respect de la vie.
MORT
Voilà maintenant que des médecins d’un hôpital ontarien pour enfants entretiendront bientôt le Parlement canadien de la « nécessité » de permettre aux mineurs d’opter pour l’euthanasie, et ce, sans même en avertir leurs parents. Alors qu’un jeune ne peut ni voter ni acheter des cigarettes, il pourrait néanmoins choisir de mourir. Là, on célèbre la mort.
Notre société tient un langage oxymorique. Pourtant, que la souffrance soit physique ou morale, c’est la douleur qu’il faut éliminer, et non le patient. La médecine doit améliorer la qualité de vie, et non écourter la vie.
Invoquer le droit de « mourir dans la dignité » est une illusion de liberté. On revendique simplement le droit de tuer en toute légalité. En revanche, qui défend le droit de vivre sans souffrir ?
L’allemagne hitlérienne euthanasiait les malades et les handicapés au nom de la « purification raciale ». Aujourd’hui, nous faisons pareil au nom de la compassion. Nous sommes sur une pente moralement glissante. Qu’est-ce qui stoppera notre chute ?