Legault, multicolore et flexible
Au Salon rouge jeudi, après la cérémonie d’assermentation des ministres caquistes, un lobbyiste me confie : « C’est bien, j’ai déjà plein d’entrées. »
Si, dans ce gouvernement tout nouveau, il n’y a que François Legault et Marguerite Blais qui possèdent de l’expérience ministérielle, les employés qui les soutiendront, eux, détiennent souvent une longue feuille de route dans des cabinets.
PQ 2.0 ?
« On dirait un peu le PQ reparti sous un autre nom ! » me glisse à l’oreille un autre lobbyiste. Il faisait référence aux très nombreux nouveaux employés des cabinets de la CAQ qui proviennent du réseau des anciens péquistes.
Jonathan Valois, par exemple, l’ancien député (2003-2007) et président du Parti québécois (2009), mais plus récemment l’ex de la CSN, qui agira comme chef de cabinet du ministre de la Famille caquiste, Mathieu Lacombe.
L’étonnement général était toutefois relié à la concrétisation du premier logo de la CAQ, qui donnait mal à la tête tellement il était multicolore.
Dans les équipes ministérielles, il y a des caquistes, notamment d’anciens candidats/tes. On pense à Svetlana Solomykina, défaite dans Taschereau, qui dirigera le cabinet de la ministre des Relations internationales, Nadine Girault. Voilà pour le bleu pâle.
Il y a aussi du bleu et du rouge adéquistes. Plusieurs personnages des officines des années Mario Dumont et Gérard Deltell pouvaient être aperçus jeudi. Ces derniers ont l’expérience de la politique, mais pas du gouvernement.
Et il y a enfin le rouge libéral ; quelques anciens employés des cabinets du PLQ, qui, à l’instar de la vice-première ministre Geneviève Guilbault, ont décidé de changer de couleur.
LES PIÈGES DE LA FLEXIBILITÉ
Il est beau le discours de François Legault sur les « adversaires d’hier qui décident de travailler ensemble pour le Québec de demain ».
La partisanerie niaise rebute nombre de Québécois comme jamais dans le passé, peut-être. Les efforts d’unité nationale (je n’ai pas écrit l’« union » !) séduisent les citoyens.
Jean Charest n’a jamais été aussi populaire qu’au moment du gouvernement minoritaire de 2007-2008, lorsqu’il jouait à fond sur l’image du gouvernement en « cohabitation » avec L’ADQ et le PQ.
François Legault semble l’avoir compris, lui qui mise depuis son élection sur l’humilité, le « droit à l’erreur », l’adhésion. Jeudi, il a fait du triptyque « proximité, humanité, ouverture » les valeurs phares de son gouvernement.
Élu depuis moins de 20 jours, il a déjà un mea culpa à son actif : « On a bien reçu le message de la population pendant la campagne. On doit en faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique. »
C’était le deuxième ajustement important après celui sur les « maternelles 4 ans », le lendemain du scrutin. M. Legault insiste désormais sur l’objectif ultime du dépistage des enfants en difficultés et non plus sur la construction de 5000 nouvelles classes. On a détecté aussi de l’ouverture chez lui pour le principe de la clause « grand-père », ajustement probable de sa position sur l’interdiction des signes religieux à certains employés de l’état.
Il faut donc s’attendre à une gouverne Legault en constant ajustement face aux humeurs populaires (même s’il a averti qu’il serait « hors de question de reculer devant des groupes de pression ou devant les secousses, les premières petites secousses »).
Sur la flexibilité au caucus, ira-t-il jusqu’à écouter son nouveau leader Simon Jolin-barrette, qui écrivait dans son livre que « l’époque de la “ligne de parti”, fixe et inébranlable, a quelque chose de dépassé » ?
Au début, ces beaux principes tiendront sans doute la route. Mais on peut prévoir qu’après un certain temps, les multiples couleurs se montreront moins enclines à se mêler.
Cela, doublé à des changements de cap, risque de rendre la vie du gouvernement caquiste complexe, voire agitée.