DES POMMES AMÉRICAINES SERVIES AUX PATIENTS
Dans des hôpitaux et centres d’hébergement du Québec
Plusieurs hôpitaux et centres d’hébergement pour personnes âgées servent aux patients des pommes des États-unis alors que ce fruit pousse en abondance au Quéwbec.
« Je ne dis pas si c’étaient des avocats ou des ananas, mais des pommes! Ce n’est pas ça qui manque au Québec ! », s’insurge une source qui a contacté Le Journal après avoir constaté que des pommes tranchées Sun Rich provenant des États-unis avaient été servies aux patients de l’institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-sud-de-l’île-deMontréal, responsable de l’institut universitaire de gériatrie, explique que le « produit », c’est-à-dire les pommes tranchées Sun Rich, a été intégré au menu dessert et collation afin d’augmenter l’apport en fruits frais.
« Après validation auprès du fournisseur, celuici nous indique que les pommes peuvent provenir du Québec, de l’ontario ou de Washington, selon les récoltes », a fait part le porte-parole du CIUSSS, Justin Meloche. Quoi qu’il en dise, l’inscription sur l’emballage est sans équivoque.
MADE IN USA UN PEU PARTOUT
Dans le cadre de notre reportage, Le Journal a contacté plusieurs établissements pour constater que cette pratique existait aussi en dehors de Montréal.
Au CIUSSS de la Capitale-nationale, qui est responsable de 200 établissements sur les territoires de Charlevoix, Québec et Portneuf, les pommes viennent aussi des États-unis.
Le fournisseur, Alasko, une entreprise québécoise ayant déjà reçu le soutien financier du Fondaction, a expliqué au Journal que ce sont des raisons d’approvisionnement qui l’incitent à importer des ÉtatsUnis, puisqu’il n’y a pas de fournisseurs de pommes surgelées tranchées au Québec.
Non seulement les pommes distribuées dans plusieurs institutions publiques, tant à Montréal qu’à Québec, sont importées des États-unis, mais en plus, elles sont vendues par des distributeurs appartenant à des multinationales étrangères.
La compagnie Sun Rich, par exemple, est une société appartenant à Country Fresh Holding, qui a son siège social au Texas, bien qu’elle possède deux usines au Canada, soit à Toronto et Vancouver.
La directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ), Sylvie Cloutier, s’indigne de voir qu’encore une fois les transformateurs du Québec sont écartés du processus d’approvisionnement.
« On a de très gros transformateurs, ici, au Québec, qui font des produits similaires et peut-être mieux dans bien des cas. Ça m’indigne de voir qu’au gouvernement du Québec, on achète des aliments qui viennent de l’extérieur quand, en fait, ces produits-là sont disponibles ici », dit celle dont le regroupement représente 550 entreprises.
UNE EXPERTISE ICI
La pilule est d’autant plus difficile à avaler que le Québec compte les deux plus importants transformateurs de pommes au Canada avec Lassonde et Verger Leahy.
La présidente du syndicat des Producteurs de pommes du Québec, Stéphanie Levasseur, n’en revient pas elle non plus.
Avec une production de six millions de minots par année (un minot équivaut à 35 livres de pommes), Mme Levasseur ne peut pas croire que les pommes du Québec ne trouvent pas leur juste place dans les établissements publics.
« Les institutions, ça achète un prix. L’état de Washington à lui seul produit 150 millions de minots. Le coût de production est pas mal moins élevé là-bas, mais ce n’est pas une raison. C’est déplorable ce qui arrive », a commenté Mme Levasseur.
Depuis des années, le CTAQ fait des représentations auprès du gouvernement afin d’augmenter l’offre de produits québécois dans les institutions publiques.
« On nous rabâche toujours la même histoire. Les ententes internationales nous empêchent de conclure des ententes qui favoriseraient les produits du Québec », dit Mme Cloutier.
« C’est l’excuse béton qu’on nous donne chaque fois, renchérit Stéphanie Levasseur. Les Américains nous chialent dessus pour le bois d’oeuvre et la gestion de l’offre. Par contre, avec l’acte Buy America, ils contreviennent aussi aux normes du marché, mais ils ne se gênent pas, eux autres. Quand ça vient le temps de le faire ici, on est plus catholique que le pape. Si on veut favoriser nos entreprises, il faut prendre les mesures nécessaires. Si on s’enfarge dans les fleurs du tapis, ça ne marchera pas », peste-t-elle.