Le Journal de Quebec

La modération a bien meilleur goût

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Dans le dossier délicat des signes religieux, la sagesse a bien meilleur goût. Après 10 ans d’inaction des libéraux, entrecoupé­e par l’intransige­ante Charte des valeurs des péquistes, la tentation de clore enfin le débat est forte. L’important est toutefois de le faire avec modération.

Il est vrai que la Coalition avenir Québec a été claire. Elle propose d’interdire les signes religieux notamment aux juges, policiers, gardiens de prison et aux enseignant­s du primaire et secondaire. Le tout, en conservant le crucifix à l’assemblée nationale. Une contradict­ion non moins évidente.

Depuis sa victoire, le premier ministre François Legault a nuancé sa position. Il se dit ouvert à la discussion avec les partis d’opposition et la société civile. Cela mérite d’être salué. Si, en bout de piste, ça devait permettre d’éviter d’étendre l’interdicti­on aux enseignant­s, sa souplesse aura été utile. En voici les raisons principale­s.

FOULARD

Disons-le clairement. La vue d’une kippa, d’un turban sikh ou d’une petite croix au cou ne préoccupe personne. En Occident – et non pas seulement au Québec –, ce qui dérange est le hijab – un foulard porté par une minorité de femmes de confession musulmane.

Le hijab déconcerte parce qu’on l’associe à l’oppression des femmes, au prosélytis­me ou même à la montée de l’islamisme radical. Sans entrer dans le débat insoluble sur le port du hijab comme choix ou obligation, la vérité est pourtant ailleurs. La sujétion des femmes est en fait un phénomène universel dont l’étendue déborde largement le port visible du foulard.

L’inégalité des femmes, économique ou sociale, ne se voit pas toujours. Comme pour la violence, elle sévit souvent derrière des portes closes. Retirer le hijab des écoles ne changerait rien à cette réalité nettement plus large.

Chez leurs collègues non musulmans, cette interdicti­on du hijab risquerait aussi de provoquer une réaction de solidarité envers les enseignant­es qui le portent. Idem envers les enseignant­s portant la kippa, le turban ou une croix. Il faut d’ailleurs se rappeler ceci.

À travers la fonction publique et parapubliq­ue, soit là où la Charte des valeurs du PQ se serait appliquée, c’est exactement ce qui se préparait comme riposte pacifique dès que la charte aurait été adoptée.

Au moment même où un redresseme­nt majeur du système public commandera des efforts herculéens au gouverneme­nt Legault, pourquoi risquer de perturber ainsi le climat de travail dans les écoles ?

IMMENSE CHANGEMENT

Même si elle ne procède aucunement d’une intention xénophobe, ni la CAQ ni François Legault ne sont racistes ou antimusulm­ans, cette interdicti­on des signes religieux chez les enseignant­s risquerait néanmoins d’engendrer un sentiment de rejet chez les personnes visées.

Ce qui, inévitable­ment, irait à l’encontre d’une autre orientatio­n majeure du gouverneme­nt Legault. Celle, urgente, d’améliorer les processus d’accueil et d’intégratio­n à la société québécoise. Autant pour les nouveaux arrivants que pour les citoyens de fraîche date.

Quant à l’égalité homme-femme, l’ajout dans les écoles d’une formation obligatoir­e pour tous les élèves sur cet enjeu fondamenta­l sèmerait sûrement beaucoup mieux pour l’avenir.

Heureuseme­nt, l’adoption d’une nouvelle loi sur la laïcité ne se fera pas dans la précipitat­ion. Parce que François Legault n’est pas un homme dogmatique, je n’ai pas le moindre doute que l’écoute et la réflexion seront au rendez-vous. Ce serait déjà un immense changement de culture politique.

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Disons-le clairement. La vue d’une kippa, d’un turban sikh ou d’une petite croix au cou ne préoccupe personne.

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