Le cirque de l’arabie saoudite
Si vous suivez ce qui se passe en ce moment avec l’arabie saoudite, vous avez peut-être l’impression de regarder un mauvais épisode de Dexter sur l’acide.
Disons que la réalité dépasse largement la fiction. Un journaliste dissident assassiné dans une ambassade par un docteur sadique qui l’aurait découpé vivant en écoutant de la musique dans ses écouteurs pour ne pas entendre les cris de sa victime.
Même Donald Trump trouve que l’opération de camouflage des Saoudiens est une farce : ils ont prétendu que le journaliste Jamal Khashoggi était mort dans une bagarre. Un peu plus et ils nous disaient que le gars s’est enfargé dans les fleurs du tapis et est tombé face première sur une tronçonneuse. Ils ont même engagé un sosie de Khashoggi pour faire croire qu’il était sorti vivant de l’ambassade saoudienne en Turquie. Même le plus nul des scénaristes hollywoodiens ne serait pas tombé aussi bas.
JOURNALISTE DÉCAPITÉ
Cela dit, je me demande comment se sentent aujourd’hui les artistes du Cirque du Soleil qui, il y a un mois, faisaient des pirouettes pour ce régime barbare et sanguinaire.
Le 14 septembre, dans Le Journal, je vous décrivais mon malaise à l’idée que le Cirque présente un spectacle pour la fête nationale d’arabie saoudite.
Le Cirque du soleil, par le biais de sa directrice des relations publiques, m’avait répondu : « Cette entente a été conclue dans la foulée du vent de réformes et de changements sociaux annoncés dans ce pays en début d’année ». Marie-hélène Lagacé me disait aussi : « En tant qu’entreprise privée, nous ne croyons pas qu’il soit approprié de nous immiscer dans la gestion des affaires domestiques et étrangères des gouvernements ».
Le spectacle a eu lieu, comme prévu, le 23 septembre au stade King Fatah, à Riyad. Je suis allée voir sur internet la façon dont le royaume a accueilli cet événement. Ayoye ! Sur le site Arabian Business, une photo du spectacle montre deux affiches géantes du prince Mohamed Ben Salman et de son père. Dans Arab News, la journaliste Hala Tashkandi racontait : « J’ai vu ma culture et mon héritage célébrés, glorifiés. »
Je ne suis évidemment pas en train de dire que le Cirque aurait dû savoir que le régime allait torturer et sauvagement assassiner un dissident.
Par contre, ce n’est pas comme si l’arabie saoudite venait tout juste de basculer dans la barbarie du jour au lendemain, après avoir été le paradis sur terre.
Sachant de quelle façon le régime traite Raif Badawi, comment il traite la population du Yémen et comment il traite les militantes féministes, on avait quand même une bonne idée que le prince n’avait pas les mains propres, propres, propres.
QUESTION MORALE
En acceptant de produire ce spectacle à la gloire de l’arabie saoudite, le Cirque a-t-il donné une caution morale à un régime immoral ? Le 16 octobre, Amr Banaja, de l’autorité Générale du Divertissement, annonçait qu’en 2019 l’arabie saoudite serait l’hôte de spectacles de Disney, de Marvel et du Cirque du Soleil. Je n’ai pas pu confirmer hier si le Cirque irait de l’avant ou non, à la suite de ces plus récents développements.
Si vous étiez un acrobate, iriezvous faire des doubles saltos arrière au pays du prince psychopathe ?