Arabie saoudite-canada : une dictature et des armes
Disons-le franchement, l’arabie saoudite ne serait jamais sortie de son carré de sable, n’eût été le pacte qu’elle a signé avec les États-unis et l’appui mercantile et moralement indéfendable que lui apportent les pays occidentaux, Canada compris.
Depuis que les pays occidentaux ont érigé cette monarchie absolue comme leur gendarme au Moyen-orient, la région n’a connu que guerre, conflits et déplacements massifs de populations qui frappent à leurs portes avec les tourments qu’on connaît.
UNE ALLIANCE IMMORALE
C’est pathétique de voir ces décideurs occidentaux se complaire dans le déni pour justifier leur amitié avec cette monarchie décadente. Plusieurs, notamment en Europe, n’hésitent pas à mettre leurs « principes » au vestiaire afin d’être en bonnes grâces des émirs aux gros carnets de chèques (voir ma chronique du 7 novembre 2016 dans le JDM : bit.ly/2jgthzn).
C’est dans ce contexte d’aveuglement volontaire qu’il faut situer le lucratif contrat de 15 milliards de dollars en véhicules blindés canadiens à l’arabie saoudite, conclu sous l’ancien gouvernement Harper et dont le gouvernement Trudeau a autorisé le permis d’exportation, en avril 2016.
J’entends les hauts cris. Que faitesvous de nos intérêts économiques ? Ce contrat créerait 3000 emplois dans la région de London, Ontario. Et que faites-vous de la concurrence internationale ? Si on ne leur vend pas les armes, d’autres le feront.
En effet, mais les intérêts économiques ne suffisent pas à eux seuls à justifier l’injustifiable. Depuis le début, plusieurs organismes de la société civile ont réclamé la suspension de la vente d’armes à cet État voyou qu’est l’arabie saoudite pour ses atteintes graves aux droits de la personne.
Angela Merkel a pour sa part décidé que tant que les circonstances de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi n’auront pas été éclaircies par Riyad, l’allemagne va suspendre ses ventes d’armes à l’arabie saoudite.
UNE PUISSANCE PAR COURTOISIE
Depuis l’arrivée du prince belliqueux Mohammed ben Salmane (MBS) aux commandes, en janvier 2015, comme ministre de la Défense, puis comme prince héritier, l’approvisionnement de l’arabie saoudite en armes a enregistré une hausse vertigineuse.
Il a envahi le Yémen et réduit des millions de civils – femmes et enfants – à la famine, un « crime de guerre », selon Human Rights Watch.
Le 29 mars 2016, le réseau PBS diffusait un documentaire alarmant, Saudi Arabia Uncovered ( L’arabie saoudite dévoilée), où nous parvenaient, en caméra cachée, les images de blindés identiques à ceux fabriqués au Canada tirant sur des manifestants pacifiques saoudiens (c’est ici : to.pbs.org/2schouh).
Le premier ministre Justin Trudeau a finalement eu un sursaut d’indignation, trois semaines après l’odieux assassinat du journaliste saoudien. Il va procéder à la révision des permis d’exportation d’armes préalablement autorisés pour l’arabie saoudite.
Mais cette suspension temporaire n’est qu’une opération cosmétique qui lui permet, à brève échéance, de gagner du temps. Rien de convaincant pour le tyran de Riyad, qui n’a pas hésité à punir le Canada, en août dernier, pour une simple semonce au sujet de ses atteintes aux droits de la personne.
Car pour MBS, le Canada est une puissance par courtoisie. La révision des permis d’exportation ne l’empêche pas de dormir, surtout que M. Trudeau a lui-même érigé la barrière des coûts astronomiques pour justifier la non-résiliation du contrat.
La question n’est donc pas de savoir si MBS a détourné nos blindés vers le Yémen pour massacrer les civils, mais quelle garantie réelle avons-nous qu’il ne l’a pas fait ? De plus, avons-nous besoin de plus de preuves quand on connaît les atrocités qu’il a commises au Yémen ?
Le Canada a déjà été respecté au plan international, non pas à cause de sa puissance militaire, mais pour sa force morale, un pays phare pour les droits de la personne et la résolution pacifique des conflits. Quand cesserons-nous d’armer les pires dictatures du monde, l’arabie saoudite en tête ?