Le Journal de Quebec

Anticosti : un regard sérieux S.V.P.

- MARIO DUMONT e Blogueur au Journal Économiste, animateur et chroniqueu­r

La CAQ vient à peine d’entrouvrir la porte à peut-être se poser des questions pour éventuelle­ment jeter un nouveau coup d’oeil à l’exploratio­n pétrolière sur Anticosti. Scandale ! En cette matière, même réfléchir n’est plus permis.

Les réactions à cette hypothèse sont formulées dans les thèmes les plus musclés. La critique se formule à peu près comme ceci : « Dans le contexte des changement­s climatique­s, comment un gouverneme­nt pourrait détruire un joyau écologique comme l’île d’anticosti ? » La question ainsi posée, la condamnati­on est déjà prononcée.

FAUSSETÉS

Si je vous disais qu’à l’intérieur de la question ainsi rédigée, tout est faux. Les trois parties de l’énoncé contiennen­t de réelles erreurs de fait.

D’abord, la lutte au changement climatique passe par une réduction de notre consommati­on d’hydrocarbu­res. Dans tous les scénarios, nous continuero­ns d’en consommer au moins pour les 30 à 40 prochaines années.

Le fait d’en produire chez nous n’entraîne en rien une hausse de la consommati­on. Nous ne ferions que remplacer une partie de nos importatio­ns par du produit local. Un gain économique considérab­le. Si nous voulions être exemplaire­s du point de vue environnem­ental, il serait même possible de réinvestir les redevances de l’activité pétrolière dans les énergies vertes.

Deuxième fausseté : l’île d’anticosti n’est pas le joyau écologique décrit. C’est une île très bien du point de vue de la nature. L’écologie y est cependant bouleversé­e par le fait qu’henri Menier y a jadis implanté des chevreuils. Sans prédateurs sur l’île, ils sont maintenant en surpopulat­ion, avec des impacts sur l’écosystème.

Le gouverneme­nt Couillard avait posé la candidatur­e de l’île pour une reconnaiss­ance au patrimoine de L’UNESCO. De la politique spectacle. Il y a quelques années, des écologiste­s s’étaient même mobilisés pour s’opposer à ce qu’on en fasse une réserve écologique québécoise.

TOUT DÉTRUIRE ?

Troisième affirmatio­n : l’exploratio­n pétrolière va « détruire » l’île. Anticosti est une île immense, 16 fois la superficie de l’île de Montréal. Une opération pétrolière transforme­rait le paysage à certains endroits, certes. Il faudrait construire des routes, faire des forages, peut-être un port de mer.

Mais soyons sérieux, on n’y coupera pas tous les arbres ! Selon les scénarios, c’est une proportion limitée de toute l’île qui sera affectée. 5 %, 10 %, 15 % ? L’île ne sera pas un stationnem­ent de béton d’une rive à l’autre !

Remplaçons pour un instant la phrase « détruire un joyau écologique en abandonnan­t nos objectifs environnem­entaux » par « utiliser 10 % du territoire d’une île ordinaire, dans le respect de notre politique environnem­entale ». Peut-être alors pourrions- nous amorcer une discussion plus intelligen­te.

Si au moins nous allions achever la phase d’exploratio­n qui était prévue, nous aurions un portrait plus clair, nous inclurions des données factuelles à la discussion.

La CAQ jugera-t-elle que nous sommes un peuple assez mûr pour faire cela ? Je n’en suis pas certain.

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 ??  ?? Sommes-nous capables de parler de pétrole à Anticosti sans glisser dans les déclaratio­ns extrémiste­s ?
Sommes-nous capables de parler de pétrole à Anticosti sans glisser dans les déclaratio­ns extrémiste­s ?

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