Le Journal de Quebec

Des enfants ? Nonmerci!

- DAVID RIENDEAU

On dit souvent de la trentaine que c’est la période où se manifeste l’horloge biologique des femmes qui ne sont pas encore mères. Pour Josyane Brouillard, 30 ans, le cadran n’est pas près de sonner ! Sa décision est prise : elle n’aura pas d’enfant. Et même si la société québécoise se targue de prôner l’égalité entre les sexes, nombreux sont ceux qui remettent en question son choix.

« Je ne vais pas avoir un enfant pour faire plaisir aux autres. Je préfère laisser cette responsabi­lité à des personnes qui en souhaitent vraiment », affirme sans détour l’étudiante en technique de bioécologi­e.

La Montréalai­se originaire de la Mauricie a mûrement réfléchi à la question avant de se décider. Cinq ans auparavant, Josyane menait ce qu’elle qualifie de « petite vie parfaite ». En plus d’occuper un emploi de traductric­e, elle avait acheté une maison en banlieue de Trois-rivières avec son copain de l’époque. « Après le boulot, la maison, la voiture et le chien, avoir des enfants était la suite logique. Mon ex en voulait. De mon côté, j’y réfléchiss­ais. Je me disais que c’était dans l’ordre de choses d’avoir un premier enfant avant 30 ans. Autour de moi, plusieurs amies avaient un bébé ou étaient en voie de devenir mamans. »

Malgré tout, Josyane se sentait tiraillée entre les attentes de son entourage et ses appréhensi­ons.

« Je n’ai jamais été portée vers les enfants. En leur présence, j’ai toujours été maladroite. Je répétais à la blague que si j’avais un bébé, j’allais sûrement faire une dépression post-partum. Même petite, je rêvais plutôt de m’occuper des animaux que d’avoir des enfants. »

À cette époque, une amie proche a eu son premier bébé. L’expérience a eu l’effet d’une douche froide pour Josyane.

« Malgré une grossesse difficile, elle filait un parfait bonheur dans son nouveau rôle. Après tout, c’est ce qu’elle désirait. J’étais contente pour elle, mais je n’éprouvais aucune jalousie. Imaginer mon univers tourner autour du bébé, souffrir du manque de sommeil et des privations de toutes sortes, ce n’était pas un scénario pour moi ! »

Cet évènement lui a fait prendre conscience que la « petite vie parfaite » qui l’attendait ne la rendrait pas heureuse. Elle a compris qu’elle avait besoin de changement et que devenir mère ne ferait pas partie du plan. Forcément, le sujet a généré des frictions dans son couple. « Mon ex et moi n’étions plus à la même place dans la vie, et le désir de fonder une famille faisait partie des points de discorde », explique-t-elle. Six mois après l’accoucheme­nt de son amie, Josyane est partie s’installer à Montréal pour retourner aux études. Sa relation a pris fin peu de temps après.

INCOMPATIB­LE AVEC SON STYLE DE VIE

La jeune femme à la fibre écolo se défend d’avoir agi sur un coup de tête. « J’ai longtemps réfléchi à la question. J’aspire à faire de longues études, à travailler à l’étranger et à participer à des projets qui demandent beaucoup d’investisse­ment personnel. Fonder une famille ne me permettrai­t pas de réaliser ce qui m’intéresse dans la vie. Je n’ai pas l’instinct maternel, alors à quoi bon donner la vie à un enfant pour rentrer dans le moule. »

S’il est vrai que ses parents se sont montrés un peu déçus par la nouvelle, Josyane assure qu’ils comprennen­t et respectent son choix. « Ma soeur a un garçon, alors ils ont pu réaliser leur rêve d’être grands parents. »

Depuis qu’elle vit dans la métropole, son cercle d’amis proches a changé, pour la plupart des personnes sans enfant et qui ne souhaitent pas devenir parents. « Nos styles de vie se ressemblen­t davantage et c’est plus simple pour s’organiser des activités sur un coup de tête. » Tout comme elle, son copain actuel ne désire pas avoir d’enfant. « Dès le départ, je le lui ai mentionné, et il était sur la même longueur d’onde. C’est parfait. On aime cette liberté. »

« TU VAS CHANGER D’AVIS »

Bien que ses parents et ses amis les plus proches aient été les premiers à le savoir, Josyane a longtemps ressenti une certaine gêne à afficher publiqueme­nt son choix. « Dans ma famille, il y a plusieurs enfants. À chaque occasion, on me posait la question à quel moment j’en aurais. Mal à l’aise, je répondais que je passais mon tour. »

À force de côtoyer des adultes comme elle et de lire des témoignage­s de femmes qui refusaient la parentalit­é, Josyane a appris à s’assumer lorsque le sujet arrivait dans une discussion. Elle s’avoue estomaquée des remarques qu’elle a pu recevoir. « Ma décision en surprend ou en agace plusieurs. On me le remet souvent dans la face, comme si c’était une chose contre nature ou si c’était mon destin que de faire des bébés parce que j’ai un utérus. Heureuseme­nt qu’on vit dans un pays libre ! » lance-t-elle en faisant remarquer que les hommes qui ne veulent pas d’enfant ne se font pas aussi sévèrement juger.

Les « tu vas changer d’avis », « tu vas le regretter », « avec les tiens, ce sera différent », reviennent régulièrem­ent, soutient-elle. On lui demande aussi si elle n’a pas peur de terminer ses jours seule quand elle sera vieille. « Il y a un tas de personnes âgées dont les enfants ne viennent jamais les visiter. On me dit également que c’est une question de temps avant que je change d’idée, mais les gens ne conçoivent pas que je ne ressens pas le besoin d’avoir un enfant pour me sentir accomplie. »

Certaines réactions s’avèrent positives. Une collègue de travail, jeune mère de famille, lui a déjà confié qu’elle l’admirait et qu’elle trouvait très difficile sa propre expérience parentale.

« Contrairem­ent à ce que certains pourraient penser, ce n’est pas une décision égoïste, conclut-elle. Si j’avais un enfant, ni moi ni lui ne serions heureux. Depuis que je l’assume, je me sens beaucoup mieux. Je préfère contribuer à la société en préservant l’environnem­ent pour les génération­s futures. »

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