Le Journal de Quebec

Haïr les Juifs à mort

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com

Une amie m’a téléphoné samedi pour m’annoncer ce qui venait de se passer à la synagogue Tree of Life (quelle ironie) à Pittsburgh, ajoutant « vat-on apprendre que le tueur est musulman ? Non. Ce sera un antisémite suprémacis­te blanc. »

Pas besoin d’une boule de cristal pour prédire que le climat de haine aux États-unis se transforme­rait en bains de sang. Manifester à Charlottes­ville en scandant « les Juifs ne nous remplacero­nt pas » n’a pas la portée d’un AR-15.

Il ne pouvait ignorer que ce samedi avait été désigné Shabbat des réfugiés dans 270 synagogues américaine­s, dont celle de Pittsburgh

GAUCHE, DROITE

La haine existe à gauche et à droite.

Ilhan Omar, membre de la Chambre des représenta­nts du Minnesota et candidate démocrate au Sénat, qui offre aujourd’hui ses condoléanc­es à la communauté juive de Pittsburgh, écrivait il y a quelques années : « Israël a hypnotisé le monde, puisse Allah réveiller le peuple pour l’aider à voir sa méchanceté. »

La candidate démocrate socialiste vedette Alexandria Ocasio-cortez a commenté un « massacre » de civils palestinie­ns à Gaza en mai dernier, alors que le Hamas confirmait que 50 des 60 victimes d’une bataille avec l’armée israélienn­e étaient ses propres agents.

Hier en Angleterre, la baronne Jenny Tonge (libéraux-démocrates) twittait qu’israël était responsabl­e de la haine des Juifs, avant de retirer son message, craignant d’être expulsée de la Chambre des lords. Elle n’en était pas à ses premières frasques : elle tient les Juifs responsabl­es de l’holocauste.

Facebook, entre-temps, refuse de suspendre le compte de Louis Farrakhan, leader antisémite du mouvement suprémacis­te noir Nation of Islam, qui ironisait récemment « je ne suis pas antisémite, je suis anti-termite. »

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Cette haine s’est même retrouvée sur la page Facebook d’un résident de Rosemont cette semaine quand Robert Gosselin a menacé de tuer « toute une école de filles juives » (sic). Il a été arrêté grâce à la vigilance d’internaute­s.

Mais on parle peu de cela. Jusqu’à ce que survienne une catastroph­e.

J’ai moi-même cessé d’écrire sur les Juifs et sur Israël, car en voulant combattre l’antisémiti­sme, j’avais l’impression d’en créer encore plus. Les commentair­es avaient de quoi rendre malade. Surtout dans un univers médiatique où les sympathies penchent pas mal toutes du même côté.

Comme le soulignait Richard Martineau dans son courageux texte Racisme à géométrie variable : « Sur la balance de l’indignatio­n des médias, l’islamophob­ie pèse beaucoup plus lourd que l’antisémiti­sme. »

TRUMP TROP MOU

Le massacre de 11 Juifs à Pittsburgh a ceci de singulier qu’il allie antisémiti­sme et islamophob­ie. Ce que l’on sait du présumé tireur, Robert Bowers, indique qu’à ses yeux, Donald Trump n’est pas assez ferme sur l’immigratio­n. Il croit que les Juifs font entrer des masses d’étrangers aux États-unis dans le but d’affaiblir le pays et d’en prendre le contrôle. « Ouvrez vos yeux ! Ce sont les sales Juifs qui amènent les sales musulmans dans le pays », écrivait-il en ligne.

Il ne pouvait ignorer que ce samedi avait été désigné Shabbat des réfugiés dans 270 synagogues américaine­s, dont celle de Pittsburgh. Une journée de réflexion nationale sur un sujet que les Juifs ne connaissen­t que trop bien.

L’occasion était trop belle, sa haine trop vive. Le silence face à l’antisémiti­sme trop grand.

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