Le Journal de Quebec

SEUL DANS SON MONDE MAIS PRÉSENT DANS LA MÉMOIRE COLLECTIVE

Atteint de la maladie d’alzheimer, Henri Richard est accompagné quotidienn­ement par sa femme

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Le champion des champions est enfin immortalis­é dans son coin de pays. La Ville de Laval a dévoilé hier soir deux murales en hommage à l’un de ses plus éminents citoyens, Henri Richard, vainqueur de 11 coupes Stanley remportées sur trois décennies avec le Canadien.

Les oeuvres exposées dans le hall d’entrée de la Place Bell sont des créations de Louise Lemieux Bérubé. L’artiste est reconnue internatio­nalement pour ses créations en tissage jacquard et en broderie.

L’une des photos utilisées résume tout à fait le joueur qu’était Henri Richard. On le voit souriant avec la coupe Stanley, ecchymose sur une pommette, portrait type du guerrier qui a sué sang et eau pour le Tricolore durant 20 ans.

Le dévoilemen­t s’est fait en présence de sa femme Lise et de leurs cinq enfants : Michèle, Denis, Gilles, Marie-france et Nathalie. Les fresques sont impression­nantes par leur type de fabricatio­n.

« On nous les a présentées quand elles ont été terminées, a indiqué l’épouse de l’ancien capitaine du Canadien.

« Je n’en revenais pas de voir que les photos sont tissées. C’est beaucoup de travail ! »

IL ÉTAIT TEMPS

Cette célébratio­n était due depuis très longtemps. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Henri Richard est l’un des très rares Québécois des grandes équipes du Canadien des années 1950 et 1960 à ne pas posséder un centre sportif ou une rue à son nom.

Pas moins d’une trentaine d’arénas à travers le Québec portent le nom d’anciennes gloires du Canadien. À part le Centre Bell, où on retrouve la bannière de son chandail numéro 16 et sa photo dans le cercle d’honneur des joueurs et bâtisseurs de l’organisati­on dans les hauteurs de l’amphithéât­re, il n’existait aucun hommage public en son honneur ailleurs.

L’homme n’a jamais rien demandé non plus. Ses amis du Club des 16 vous diront que les honneurs le rendaient mal à l’aise. Comme son frère Maurice, il n’était qu’un simple joueur de hockey dans son esprit. Il a toujours parlé de ses succès avec grande modestie.

« J’étais au bon endroit au bon moment », répétait-il à propos de ses multiples conquêtes de la coupe Stanley.

DIFFICILE À ACCEPTER

Les convives étaient nombreux à se remémorer ses exploits hier soir. Il ne manquait qu’henri. L’homme n’est là que physiqueme­nt. Atteint de la maladie d’alzheimer, il demeure dans un centre de soins de longue durée depuis plus de trois ans.

Son épouse Lise et son fils Denis ont eu la générosité de nous entretenir sur sa condition vendredi dernier. Les personnes qui ont un être cher affecté par ce syndrome vont se reconnaîtr­e dans leur récit.

S’ils parlent de sa carrière au passé, ils parlent de l’homme au présent. Mme Richard le prend dur. « J’ai de la misère à accepter », avoue-t-elle sans retenue.

« Henri est encore beau, dit-elle avec tendresse. Mais il n’est plus là mentalemen­t. »

TOUTE UNE VIE ENSEMBLE

Mme Richard se rappelle l’homme de sa vie aussi loin qu’elle peut remonter dans le temps. Ils ont fait connaissan­ce à l’âge de six ans dans le quartier Bordeaux, dans le nord de la ville.

« On s’est rencontrés par l’entremise de nos soeurs », raconte-t-elle.

« On était toujours ensemble. Il venait me voir à la maison. Je le trouvais beau. Il ne parlait pas beaucoup, mais moi, oui ! À 13 et 14 ans, je jouais au hockey avec lui et sa bande d’amis quand il manquait un joueur.

« On était jeunes, donc il arrivait que nos routes se séparent à l’oc-

casion. On se laissait, on reprenait. Mais je n’aurais jamais pensé que l’on se marierait un jour. »

LA GRANDE DEMANDE

Henri caressait le rêve de rejoindre Maurice avec le Canadien. Sa belle avait des projets, elle aussi. Elle qui a toujours aimé les enfants, elle projetait de faire carrière dans l’enseigneme­nt.

Un jour, Henri passe la prendre chez elle pour se rendre à la patinoire du coin.

« Voyant que j’avais l’air fâchée, il m’a demandé ce qui n’allait pas, continue-t-elle.

« Je lui ai répondu que mon souhait d’aller étudier à Mont-laurier ne se concrétise­rait pas. Il m’a répondu : “Ben non ! Moi, je vais avoir besoin de toi plus tard.” Lui qui ne parlait jamais m’a dit ça. Je n’en ai pas fait de cas. Il n’a rien dit de plus. C’était comme ça dans le temps. »

À 15 ans, Henri venait de dire à sa belle que le moment venu, il serait son mari pour la vie.

« On avait des caractères différents », dit-elle. « Mais on était bien ensemble. » Denis enchaîne : « L’important n’est pas d’être pareils, mais d’être complément­aires. » « Tu as raison », lui répond sa mère. « Papa et moi, on se complète. » Le couple a convolé en 1956. Les deux étaient au début de la vingtaine. Les enfants sont arrivés, puis les petits-enfants et, depuis quelques années, des arrière-petits-enfants s’ajoutent à la descendanc­e.

PREMIERS SIGNES DE LA MALADIE

Les premiers signes de la maladie se sont manifestés il y a une quinzaine d’années chez le patriarche de la famille.

« Je voyais qu’il ne se sentait pas bien », relate madame Richard.

« Un jour, je lui ai demandé s’il voulait que l’on fasse un voyage de golf au club Doral (en Floride) pour lui changer les idées. Les choses ne se sont pas améliorées à notre arrivée. Henri se réveillait en sueur la nuit. Il faisait de l’angoisse, il avait peur.

« Quand je lui ai demandé s’il voulait que l’on rentre à la maison, il a répondu que l’on venait à peine d’arriver. Je lui ai posé la question une deuxième fois et il a dit oui. »

ENTOURÉE D’AMOUR

Henri vit dans un CHLSD depuis plus de trois ans. Lise lui rend visite tous les jours. Quand on lui demande ce qu’elle ressent quand elle le voit, ses yeux s’embrouille­nt. Son fils prend le relais.

« Elle sort de là débinée chaque fois », dit-il.

« Mais papa est bien là, il est bien traité », lui répond-elle pour se rassurer. Denis acquiesce. « J’essaie de l’intéresser à certaines choses, mais il ne répond pas », ajoute sa mère.

Le hockey, le tennis et le golf, qui étaient ses sports de prédilecti­on, n’existent plus dans son univers.

« Il regarde la télévision comme s’il observait une peinture », indique Denis. La dame conclut. « Je ne souhaite ça à personne », dit-elle.

« Une chance que j’ai de bons enfants. Denis est la bonté en personne. Je suis entourée d’amour. »

La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre.

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MARC DE FOY marc. defoy@ quebecorme­dia.com
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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN L’hommage à Henri Richard a réjoui la famille de l’ancien joueur du Canadien. Dans l’ordre habituel, Denis, Marie-france, Michèle, Lise, Nathalie et Gilles.

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