Le Journal de Quebec

Faut-il abolir Les Simpson ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Qui connaît Les Simpson connaît le personnage d’apu Nahasapeem­apetilon, le malin propriétai­re d’origine indienne du Kwik-e-mart. Depuis quelques mois, il était au coeur d’une controvers­e, Hari Kondabolu, un humoriste américain d’origine indienne soutenant qu’il était trop caricatura­l et qu’il serait en cela culturelle­ment vexant.

Dans notre époque qui donne une prime médiatique à ceux qui se griment en victimes, une telle attaque risquait bien d’être fatale. Aurait-on droit à des excuses ? Mieux ! Apparemmen­t, le personnage sera gommé de la série, tout simplement. On se croirait aux belles époques de L’URSS : quand un personnage n’avait plus les faveurs du régime, on l’effaçait des livres officiels.

On nous dira peut-être que cette censure est regrettabl­e, mais nécessaire, pour créer une culture inclusive. Sauf qu’il faut dès maintenant stopper ce délire et poser quelques questions.

Nous vivons sous le règne de la censure.

HOMER SIMPSON

Ceux qui s’indignent du traitement réservé à ce cher Apu ont-ils déjà jeté un oeil sur la série dans son ensemble, et sur son principal personnage, Homer Simpson ? Savent-ils que ce gros lourdaud à la bedaine d’exception, inélégant au possible et toujours à la recherche d’une boîte de beignets, représente dans cette série culte l’américain blanc moyen ?

Savent-ils aussi que cette représenta­tion parodique de l’amérique a fait rire depuis sa création l’amérique au grand complet ? Faudrait-il aussi l’effacer de la série pour ne pas vexer les hommes blancs de classe moyenne ?

Halte-là ! Ne traitons pas toutes les caricature­s « également » ! Il est non seulement permis, mais même encouragé, de se moquer de l’homme blanc, de l’insulter, de l’attaquer ! C’est qu’il aurait fait tant de mal dans l’histoire qu’il serait temps pour lui de connaître un mauvais sort.

Soyons sérieux. Notre époque, pour se plier aux ordres des lobbies identi- taires, semble céder comme jamais à la tentation de la censure. Le commandeme­nt est le suivant : effaçons tout ce qui peut écorcher les chastes oreilles de ceux qui se vautrent dans leur identité victimaire. Fabriquons un monde sur mesure pour les hypersensi­bles qui inondent l’espace public de leurs larmes dès qu’ils sont contrariés.

Rappelons-nous la double annulation, cet été, des pièges SLAV et Kanata de Robert Lepage, parce que des militants racialiste­s accusèrent le dramaturge d’appropriat­ion culturelle. Rappelons-nous les appels à interdire Tintin au Congo ou à le classer parmi les bédés pour adultes, à cause de l’image que cet album propose de la colonisati­on.

Normand Brathwaite avait bien raison, lundi, de se désoler de l’empire du politiquem­ent correct qui nous paralyse mentalemen­t et nous transforme en petites créatures fragiles insignifia­ntes.

ORWELL

Abolissons Les Simpson ! Interdison­s Tintin au Congo ! Fermons le clapet à Normand Brathwaite ! Déprogramm­ons toutes les pièces de Robert Lepage ! Et tous ensemble, rassemblon­s-nous autour d’une piñata géante représenta­nt un homme blanc hétérosexu­el et bedonnant.

Alors là, nous la frapperons ensemble, dans une belle séance de défoulemen­t. Pendant deux minutes, nous ferons tout pour crever la grosse baudruche ! Nous appelleron­s ça les deux minutes de la haine.

George Orwell y avait déjà pensé, d’ailleurs, dans un roman nommé 1984. Soit dit en passant.

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