Le 75 $ d’épicerie de trop !
Un mois après la raclée électorale, la poussière étant retombée, les libéraux croient que la déclaration maladroite de leur chef Philippe Couillard sur le 75 $ d’épicerie par semaine a constitué l’ultime clou dans leur cercueil…
Bien sûr, les libéraux sont conscients qu’ils portaient le poids de l’usure, après 15 ans de gouvernance presque ininterrompue. Et que leurs adversaires avaient déjà défini l’image de « donneur de leçon condescendant » de Philippe Couillard.
Mais, encore aujourd’hui, dans l’organisation, on estime que le début de campagne était bon.
Les focus groupes et les sondages menés par le PLQ démontraient que les priorités des Québécois étaient de retrouver plus de temps de qualité en famille, de pouvoir souffler un peu. D’où le programme axé sur de simples mesures, comme le versement d’un montant d’argent que les ménages auraient pu utiliser selon leur volonté. Les autres partis avaient sûrement vu la même chose. Les similitudes entre les programmes sautaient aux yeux.
On misait aussi sur le fait qu’il y avait 20 pour cent d’indécis, qu’on croyait pouvoir attirer dans le giron libéral en cours de campagne.
Lorsque François Legault s’est enlisé dans ses explications sur le processus d’expulsion des immigrants ayant échoué aux tests de français et des valeurs, la CAQ a perdu des points dans les sondages, mais les libéraux se sont inquiétés que ces appuis ne leur reviennent pas.
IL NE CONNAISSAIT PAS FRANÇOIS LAMBERT
Puis, est arrivée l’entrevue à la radio Énergie à Montréal. Qui devait être une formalité. Philippe Couillard revenait d’une éreintante tournée en avion en Abitibi. Malgré qu’il était préoccupé par la préparation du débat à TVA qui se tenait le soir même, sa garde rapprochée a accepté cette entrevue légère. Le plus ironique c’est que cet homme si cultivé a été piégé par son manque de pop culture ! Lorsque l’animateur lui a demandé s’il était d’accord avec l’énoncé de l’ex-dragon et homme d’affaires François Lambert, selon lequel il était réaliste de faire manger un adulte et deux adolescents avec 75 $ d’épicerie par semaine, le chef libéral a répondu sans savoir qui était François Lambert !
Privé de la référence, il s’est exprimé d’un point de vue mathématique.
« CATASTROPHIQUE »
Peu de temps après, un responsable de la campagne a constaté l’ampleur de la gaffe, jugée « catastrophique », qui était relayée et commentée à l’infini sur les réseaux sociaux et les sites web des différents médias.
« M. Couillard se demandait ce qu’il avait dit de pas correct », raconte une source libérale selon qui ensuite, « il était complètement sorti de sa zone de confort », à un bien mauvais moment.
Autant le premier ministre sortant que les responsables des commu- nications ont essayé de ramer en sens contraire, mais le mal était fait. « Ça nous a gelés. Ça venait renforcer l’idée que le chef était déconnecté de la réalité des gens », nous a-t-on raconté. La préparation du débat, dans ce contexte, a été difficile, et c’est François Legault qui a été perçu comme le vainqueur.
Un candidat libéral m’a confié qu’il avait refusé dès le début de la campagne de poser des pancartes électorales de son chef dans sa circonscription, parce qu’il sentait que « ça l’aurait tiré par le bas ». Après la gaffe sur le 75 $ d’épicerie, il estimait que Philippe Couillard était alors devenu « toxique »...