Le Journal de Quebec

Les libéraux piégés

- JOSÉE LEGAULT josee.legault @quebecorme­dia.com

Depuis leur défaite cuisante du 1er octobre dernier, les libéraux sont en réflexion. Après 15 longues années au pouvoir – moins la brève parenthèse Marois –, un séjour à l’opposition officielle était un passage obligé.

De toute manière, avec ses 151 ans d’existence bien sonnés, le Parti libéral du Québec (PLQ) n’est pas menacé d’extinction. Le vrai danger est ailleurs. Il est de voir perdurer sa marginalis­ation au sein même de la majorité francophon­e.

À moins de 20 % d’appuis chez les francophon­es, le grand parti des Jean Lesage et Robert Bourassa, deux premiers ministres fortement nationalis­tes, a mangé une sérieuse raclée. En cela, la pire menace pour lui s’appelle la CAQ.

Si le nouveau gouverneme­nt de François Legault réussit le moindremen­t à réparer quelques-uns des pots cassés au fil des ans par Jean Charest et Philippe Couillard, le vote francophon­e pourrait échapper au PLQ encore longtemps.

S’il veut redevenir compétitif chez les francophon­es, le PLQ devra refaire son muscle nationalis­te.

RACINES

Autre constat : le PLQ et le Parti québécois sont tous les deux en quête de leur identité politique perdue. Ce phénomène nouveau en dit long sur le prix à payer par ces deux formations pour leurs errements politiques respectifs.

Au PQ, deux décennies de silence sur son option souveraini­ste l’ont rendu quasi obsolète auprès même de ses fidèles les plus ardents. Ses 10 députés ayant survécu au tsunami caquiste héritent ainsi d’une mission herculéenn­e : retourner aux sources d’un parti fondé pour réaliser l’indépendan­ce au moment même où une forte majorité de la population n’en veut plus.

Au PLQ, le retour aux sources est celui d’un fédéralism­e néanmoins capable de s’exprimer à travers un nationalis­me plus affirmé. Du moins, c’est ce qu’on aurait cru. La réalité, elle, risque d’être pas mal plus compliquée. Sur ce plan, les libéraux sont littéralem­ent piégés.

À cause de son austérité et de son mépris pitoyable face aux préoccupat­ions identitair­es de la majorité francophon­e, le PLQ doit sa survie en bonne partie à son électorat anglophone et allophone. Or, ce dernier est foncièreme­nt opposé aux attentes plus nationalis­tes de la majorité francophon­e.

POUVOIR D’INFLUENCE

D’où l’immense pouvoir d’influence des électeurs non francophon­es sur la suite des choses. La capacité ou non des troupes libérales à reconquéri­r un jour le pouvoir repose en effet entre leurs mains. La raison ?

S’il veut redevenir compétitif chez les francophon­es, le PLQ devra refaire son muscle nationalis­te. Ce qui, nécessaire­ment, l’obligera à le traduire en positionne­ments politiques concrets. Ce qui, inévitable­ment, risquerait fort de hérisser surtout le même électorat anglophone auquel il doit beaucoup.

Le piège, le vrai, il est là. La seule manière pour les libéraux de s’en extirper repose donc sur les épaules des non-francophon­es. Pour permettre au PLQ de faire activement les yeux doux à la majorité francophon­e dont il a besoin pour retourner au pouvoir, ses électeurs non francophon­es seront-ils prêts à le laisser faire sans trop rechigner publiqueme­nt ?

Si la réponse est non, les libéraux resteront piégés longtemps. Et ce sera de leur propre faute.

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Philippe Couillard
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