La démarche de notre infiltrateur
Pour infiltrer ces groupes et entreprises, notre collaborateur Philippe Meunier s’est glissé dans la peau d’un homme rejetant son homosexualité.
Un rôle qui ne reflète en rien sa réalité. Âgé de 37 ans, il a fait son
coming out à l’âge de 21 ans, épaulé par sa famille et ses amis.
« Je suis super chanceux, j’ai toujours été accepté par tout le monde », relate-t-il.
Quand notre Bureau d’enquête l’a approché pour le projet, Philippe était surpris d’apprendre que ce genre de thérapie existait encore au Québec.
« Je trouve ça troublant, c’est épouvantable. »
Pendant quatre mois, notre équipe l’a aidé à contacter des conseillères, des pasteurs et une psychothérapeute avec une requête claire : il était attiré par les hommes et ne souhaitait plus l’être.
HONTE D’ÊTRE HOMOSEXUEL
La vie qu’il racontait durant ses séances de thérapies suivait d’assez près son propre parcours.
« Je leur présentais une vie assez straight : un peu d’intimidation, une famille religieuse, une blonde que j’ai laissée pour un gars. » Rien de particulièrement traumatisant, affirme-t-il.
À ce récit, il ajoutait se sentir honteux de son attirance pour les
hommes et exprimait une peur que ses parents le rejettent.
Les experts consultés par notre Bureau d’enquête affirment que, selon les codes de déontologie des praticiens en relation d’aide, il faut dans ce genre de cas aider le patient à s’accepter et l’encourager à se défaire de ses idées de conversion. Aucune des personnes consultées n’a incité Philippe à prendre cette voie.
« Ils tournaient les coins ronds rapidement pour trouver des bobos, » se souvient-il. L’intimidation à l’école aurait endommagé sa masculinité et les quarts de travail nocturnes de son père auraient engendré des problèmes d’attachement. Une expérimentation sexuelle à l’adolescence, décrite par Philippe comme étant une expérience agréable, devient soudainement un abus sexuel.
Le message à retenir ? Ces « épreuves » auraient mêlé Philippe, et avec un peu de thérapie et beaucoup de bonne volonté il pourrait s’en sortir et « redevenir » hétéro. Dans un des cas, l’hétérosexualité était accessible au moyen d’une simple « délivrance » téléphonique, administrée par un pasteur s’époumonant contre « l’esprit impur » de l’homosexualité.
« Ils ont vraiment essayé de me convaincre que je ne faisais pas le bon choix », se désole l’infiltrateur.
« J’étais quand même assez détaché, mais je me disais toujours : “Demain et après-demain ils vont voir d’autres gens pour les mêmes raisons, sauf qu’eux, ça va être vrai”. Je trouve ça troublant de savoir que ces gens-là ont cette position de pouvoir. »