Le Journal de Quebec

Montréal et le défi de la gestion de la diversité

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

On ne peut que se réjouir de l’élection de la première femme mairesse de Montréal.

Il y a un an, Valérie Plante a brisé un plafond de verre, en prenant les commandes de la plus grande métropole du Québec, un mandat qu’elle se propose de réaliser avec « fierté, dignité et passion ».

UN BILAN GLOBALEMEN­T POSITIF

Une année, c’est trop court pour dresser un bilan complet de son administra­tion, mais tout indique que Mme Plante sait où elle va et qu’elle travaille à réaliser ses engagement­s.

Le sondage Léger, dans Le Journal d’aujourd’hui, indique d’ailleurs que 50 % des Montréalai­s interrogés sont satisfaits de son travail, et 47 % ont une bonne opinion d’elle.

Par contre, ils sont 52 % à estimer que la situation de Montréal est demeurée la même, depuis un an, 19 % sont d’avis qu’elle ne s’est pas améliorée et 22 % qu’elle s’est détériorée. Quant aux taxes, 50 % pensent qu’elles sont trop élevées pour la qualité des services qu’ils reçoivent.

UNE MÉTROPOLE COSMOPOLIT­E

S’il y a un dossier sur lequel il y a eu des ratés et qu’il est difficile d’ignorer, c’est bien le bilan de son administra­tion en matière d’accès à l’emploi des Montréalai­s issus des communauté­s culturelle­s dans la fonction publique municipale.

Le problème n’est pas nouveau. Toutes les administra­tions municipale­s, depuis les trois dernières décennies, y ont été confrontée­s.

Les premiers jalons de la gestion de la diversité ont été posés par l’administra­tion du maire Jean Doré (1986-1994).

Dès 1987, il a nommé un membre de son exécutif responsabl­e des relations intercultu­relles et adopta de nombreuses mesures pour rapprocher les Montréalai­s de toutes origines de leur administra­tion municipale.

C’est dans ce climat d’effervesce­nce que j’ai été amenée à m’impliquer, en 1990, dans le Comité sur les relations intercultu­relles et interracia­les de la Ville de Montréal (CRII), à titre de vice-prési- dente et de présidente.

Composé de francophon­es, d’anglophone­s et de citoyens issus de l’immigratio­n, il relevait directemen­t de l’exécutif et s’est avéré un véritable fer de lance dans le virage intercultu­rel de l’administra­tion municipale.

Le plus difficile était la mise en oeuvre d’un Programme d’accès à l’égalité pour les communauté­s culturelle­s (PAE-CC).

La machine bureaucrat­ique résistait au changement. Une réalité à laquelle se sont heurtées les administra­tions municipale­s subséquent­es.

UNE AFFAIRE DE VOLONTÉ POLITIQUE

Mme Plante est à la tête de la métropole la plus cosmopolit­e du Québec et son administra­tion souffre d’une sous-représenta­tion chronique des citoyens issus de l’immigratio­n dans les effectifs de sa ville, et même parmi ses élus.

À la dernière élection municipale de 2017, à peine 8 % des 103 élus aux conseils de ville et conseils d’arrondisse­ment étaient issus des minorités ethniques et visibles. Un déficit qui se répercute aussi sur la compositio­n de son comité exécutif.

Selon le Plan d’action pour la diversité en emploi 2016-2019, les employés de la Ville de Montréal comptaient à peine 17 % de minorités visibles ou ethniques parmi l’effectif total.

Les pompiers sont à 2 %, les policiers, 8,5 %, les cadres supérieurs, 6 %, les superviseu­rs, 9 %, les cols bleus, 14 % et les cols blancs, 27 %.

Consciente de ce déficit et pour y remédier la mairesse Plante avait annoncé, en mars 2018, la mise sur pied d’une Table de la diversité, l’inclusion et la lutte contre les discrimina­tions, pour lui soumettre un plan d’action visant à améliorer, notamment, l’employabil­ité des personnes issues de la diversité.

Tout en souhaitant la meilleure des chances à ce nouveau comité, s’il y a un dossier largement documenté et pour lequel l’administra­tion municipale dispose de toute l’expertise nécessaire, c’est bien celui de l’équité en matière d’emploi pour les groupes désignés (femmes, minorités, autochtone­s et personnes handicapée­s).

Ce qui manque, par contre, ce sont les ressources et une volonté politique réelle, et elle doit venir d’en haut, de la mairesse Plante elle-même.

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