Une thérapie qui fait des ravages selon des experts
Tenter de « guérir » l’homosexualité peut avoir conséquences négatives
Les recherches sur les impacts des thérapies de conversion confirment que ce genre de traitement cause énormément de tort à ceux qui le subissent.
La Société canadienne de psychologie s’oppose catégoriquement à ce genre de traitement.
« Cette forme de thérapie est susceptible d’entraîner des résultats négatifs, comme la détresse, l’anxiété, la dépression, l’image négative de soi, un sentiment d’échec personnel, de la difficulté à maintenir des liens et le dysfonctionnement sexuel », affirmait l’organisme dans un rapport publié en 2015.
De son côté, l’association américaine de psychologie juge que ces méthodes sont dangereuses, et rappelle qu’elles s’appuient sur la notion erronée que l’homosexualité est un trouble ou une déviance.
Médecin psychiatre et codirecteur du Centre d’orientation sexuelle de l’université Mcgill, le Dr Richard Montoro a souvent eu à traiter des patients ayant vécu des thérapies de conversion.
Il explique que les scénarios se ressemblent. Le contexte est habituellement religieux, la communauté est souvent plutôt hermétique.
« Ce sont des parents qui amènent leurs enfants voir le pasteur pour essayer d’aider l’enfant à se défaire de ses désirs, ou bien l’enfant luimême qui dit : ‘‘Je veux être straight. Être gai, c’est inacceptable dans ma communauté et je ne veux pas perdre ma famille, mes amis.’’ »
Son rôle le place aux premières loges des séquelles causées par ces thérapies.
« On voit beaucoup d’alcoolisme, de dépression, d’anxiété, de suicides, recenset-il. Ça fait énormément de ravages. »
Richard Montoro rappelle que notre sexualité n’est pas nécessairement fixe, qu’elle peut évoluer au cours de la vie.
« Mais d’essayer de la changer de l’extérieur, de dire ‘‘Non tu devrais être Y au lieu de X’’, ça ne marche pas. Les études sont assez concluantes. »
Selon Richard Montoro, les groupes qui s’adonnent à cette pratique savent que leur taux de réussite est pratiquement de zéro. Quand le traitement échoue, ils donnent au patient l’impression que c’est de sa faute, qu’il est irréparable ou qu’il n’essaie pas assez fort.
Notre capacité d’aimer et de former des relations stables est inextricablement liée à notre sexualité, explique-t-il.
« Donc, si cette partie centrale de notre identité est étiquetée comme étant mauvaise, on ne peut pas se sentir bien. »
Certaines thérapies de conversion écartent la possibilité d’un changement d’orientation et prescrivent plutôt l’abstinence complète. Richard Montoro juge que cette approche est plus réaliste, mais tout aussi problématique.
« On est tous faits pour avoir des relations amoureuses et sexuelles, et essayer de réprimer notre sexualité, ça mène à des problèmes d’ordre psychologique. »
TRÈS PEU DE DONNÉES
Au Canada et au Québec, on retrouve très peu de données nous permettant de cerner l’ampleur de la pratique. Mais chez nos voisins du sud, une étude récente de l’institut de recherche Williams révèle que près de 700 000 Américains – dont 350 000 mineurs – auraient vécu une forme de thérapie de conversion.
Ces statistiques sont particulièrement perturbantes pour le militant américain Alan Chambers. D’une part, parce qu’il a été témoin des torts causés par la thérapie de conversion, mais surtout parce qu’il cherche à se racheter. Dans une autre vie, Alan Chambers a aidé à populariser la thérapie de conversion à la tête d’exodus International, la plus grande organisation de réorientation sexuelle au monde.
Il a quitté son poste en 2013 pour devenir l’un des plus ardents détracteurs de la pratique.
Au téléphone avec notre Bureau d’enquête, Alan Chambers décrit un processus de réflexion s’étalant sur plusieurs années, qui lui a permis de constater que ses actions n’étaient pas la volonté de son Dieu.
« J’en suis venu à voir dans les Écritures que Dieu ne condamne pas les gais et les lesbiennes. »
« Quand j’ai fermé Exodus et que j’ai demandé pardon à ceux qui voulaient bien m’entendre, j’espérais pouvoir aider les gens à comprendre qu’il est possible d’aborder cet enjeu différemment. »
Selon Alan Chambers, les communautés thérapeutiques tous azimuts doivent se doter de paramètres très clairs stipulant qu’il n’est pas possible de changer d’orientation sexuelle.