L’énorme défi de diriger une école mal aimée
Le Journal a fait une rare incursion dans le quotidien d’un établissement mal aimé de Limoilou
Il n’est pas toujours facile d’être directrice d’école, encore moins dans une école mal aimée située au coeur d’un quartier en plein essor. Le Journal a pu faire une rare incursion dans le quotidien de l’école secondaire de la Cité, située dans le Vieux-limoilou, à Québec, où le personnel se dévoue pour aider des élèves en difficulté.
La directrice, Brigitte Allard, l’admet sans détour : son établissement « n’a pas bonne réputation ». Pour les parents du quartier qui peuvent se permettre de « magasiner » l’école secondaire de leurs enfants, l’école de la Cité représente un « pis-aller », dit-elle. Le dernier choix, en bas de la liste.
Au régulier, on compte 250 élèves de première et deuxième secondaire. Cette année, 55 % des élèves du régulier sont en difficulté.
Pourtant, l’école a tous les avantages d’un petit établissement, souligne Mme Allard. Encadrement serré, accompagnement personnalisé. La directrice et ses deux adjointes connaissent tous les élèves par leur nom. « J’ai des parents qui ne voulaient pas que leur enfant vienne ici qui me disent, après coup “Si j’avais su !” » lance-t-elle fièrement.
L’école accueille aussi une cinquantaine d’élèves autistes ou déficients intellectuels, dans une aile complètement séparée du reste de l’établissement ( voir autre
texte). La réalité y est très différente du secteur régulier, si bien que Mme Allard a souvent l’impression de gérer deux écoles, réunies dans un seul établissement.
DÉFIS AU QUOTIDIEN
Au quotidien, c’est la directrice adjointe Amélie Croteau qui gère les élèves du régulier qui s’absentent, qui se chamaillent dans les corridors ou qui envoient promener les enseignants.
Sur son bureau trône une pile de feuilles jaunes, qui permettent de recenser les écarts de conduite des élèves. « On fait beaucoup d’éducation, on les suit de façon serrée et on n’en laisse pas passer », explique-t-elle.
Les relations avec les parents peuvent être aussi difficiles, à l’occasion. Mme Croteau a récemment dû envoyer une lettre par la poste à un parent d’élève qui n’a pas de numéro de téléphone. Elle connaît par coeur le numéro de la Direction de protection de la jeunesse (DPJ).
Certains élèves ne sont tout simplement pas encadrés à la maison, ajoute la directrice adjointe. « J’ai une élève qui n’a pas de lunch, pas de bouffe, pas les vêtements requis. »
Dans cette école pas tout à fait comme les autres, enseignants et direction se serrent les coudes pour leur venir en aide. En plus du service d’aide alimentaire, Mme Croteau distribue des paires de bottes à l’occasion, alors que des enseignants se chargent des produits d’hygiène.
Même si l’équipe est tissée serrée, la directrice adjointe admet toutefois que son rôle n’est pas de tout repos.
Il y a quatre ans, lorsqu’elle a décidé de troquer son poste d’enseignante pour celui de directrice adjointe, elle n’était pas convaincue d’avoir fait le bon choix. Ses deux mois de congé estival se sont transformés en trois semaines de vacances. Le nombre d’heures travaillées a explosé, au même rythme que les problèmes à gérer. Tout ça pour une augmentation salariale de 10 %, raconte avec le sourire cette maman de quatre enfants.
« LA PLUS BELLE JOB AU MONDE »
Malgré les défis, Amélie Croteau considère néanmoins que « s’occuper d’une école est la plus belle job au monde ».
Dans son bureau est épinglée une feuille jaune sur laquelle on peut lire « Ce certificat est décerné à la meilleure directrice adjointe au monde, je vous aime ».
« On ne voit pas ça dans toutes les écoles secondaires, lance-t-elle en riant. Les élèves sont très reconnaissants, ils ont besoin de nous et ils nous le font sentir. À certains, je leur répète parfois : ton principal facteur de protection, c’est ta scolarité. Ta vie, c’est tough, mais viens à l’école, réussis ton diplôme et tu vas pouvoir la transformer, ta vie. C’est ce bout-là qui est passionnant. De sentir que des fois, on peut avoir un impact. »