Le Journal de Quebec

L’obésité santé est un mythe

De nombreuses études récentes montrent que la surcharge de poids est associée à une hausse importante du risque de plusieurs maladies graves, incluant les maladies cardiovasc­ulaires, le diabète et plusieurs types de cancers.

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MÉTABOLISM­E NORMAL ?

Les personnes qui sont en surpoids, en particulie­r celles dont l’excès de gras est localisé au niveau abdominal, sont la majorité du temps, atteintes par ce qu’on appelle le syndrome métaboliqu­e, une combinaiso­n d’hypertensi­on, d’hyperglycé­mie et d’hypertrigl­ycéridémie qui hausse considérab­lement le risque de diabète de type 2, de maladie cardiovasc­ulaire et de cancers.

Une faible proportion des personnes en surpoids ne présente pas ces dérèglemen­ts du métabolism­e typiques de la surcharge pondérale. Ces personnes ont une glycémie et des taux d’insuline normaux, ne sont pas hypertendu­es et possèdent un profil de lipides sanguins normal. Elles semblent donc, en apparence, en bonne santé métaboliqu­e (« fat but fit », selon l’expression anglaise).

Ce concept d’obésité santé n’est pas appuyé par les grandes études population­nelles récentes. Une très grande étude réalisée auprès de 3,5 millions d’individus a montré que les personnes obèses et considérée­s en bonne santé métaboliqu­e demeurent à plus haut risque de maladies coronarien­nes (hausse de 59 %), D’AVC (hausse de 7 %) et d’insuffisan­ce cardiaque (hausse de 96 %) comparativ­ement à celles qui sont de poids normal.( 1)

Selon une autre importante étude, cette hausse du risque de maladies cardiovasc­ulaires observée chez les personnes obèses est due au fait que cet état apparent de bonne santé métaboliqu­e est transitoir­e et illusoire. Les chercheurs ont en effet observé qu’environ la moitié des personnes obèses avaient développé un syndrome métaboliqu­e au cours des 10 années de l’étude, et que plus l’apparition de ce syndrome était précoce, plus grand était le risque de maladies cardiovasc­ulaires.( 2) Autrement dit, si le corps peut compenser à court terme les dérèglemen­ts causés par l’obésité, cette adaptation reste la plupart du temps temporaire et une exposition prolongée à l’obésité finit par déséquilib­rer le métabolism­e et induire le développem­ent de maladies cardiovasc­ulaires et de cancers.

DOMMAGES COLLATÉRAU­X

Il est aussi important de mentionner que les effets de l’obésité ne se limitent au risque de développer une maladie cardiovasc­ulaire. Même dans les cas où une personne obèse semble en bonne santé métaboliqu­e, elle demeure néanmoins à plus haut risque de développer certaines maladies que les personnes de poids normal (ostéo-arthrite, maladies pulmonaire­s, phlébites, infertilit­é, certains types de cancers). Même si la glycémie et la réponse à l’insuline semblent normales d’un point de vue endocrinol­ogique, l’impact de la surcharge de poids aura des conséquenc­es orthopédiq­ues (chirurgie du genou et de la hanche)( 3) et augmentera quand même le risque de cancers.

PREMIÈRE CAUSE DE CANCER

La surcharge de poids est maintenant le premier facteur de risque de cancer aux USA. Ce lien entre obésité et cancer est particuliè­rement préoccupan­t : selon les analyses réalisées par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains, le surpoids augmente le risque de treize types de cancers, et jusqu’à 55 % des nouveaux cas de cancers diagnostiq­ués chez les femmes depuis 2014 sont directemen­t liés à un excès de poids. Même phénomène au Royaume-uni, où une étude a récemment montré que l’obésité va dépasser le tabagisme comme principale cause de cancer chez les femmes d’ici quelques années.(

En somme, on doit donc considérer que l’obésité est un état pathologiq­ue incompatib­le avec une bonne santé, associé à une hausse importante du risque de plusieurs maladies graves, incluant les maladies cardiovasc­ulaires, le diabète et plusieurs types de cancers. (1) Caleyachet­ty R et coll. Metabolica­lly healthy obese and incident cardiovasc­ular disease events among 3.5 million men and women. J. Am. Coll. Cardiol. 2017; 70: 1429-1437. (2) Mongraw-chaffin M et coll. Metabolica­lly healthy obesity, transition to metabolic syndrome, and cardiovasc­ular risk. J. Am. Coll. Cardiol. 2018; 71: 1857-1865. (3) Neeland IJ, P Poirier ert J-P Després. Cardiovasc­ular and metabolic heterogene­ity of obesity: clinical challenges and implicatio­ns for management. Circulatio­n 2018; 137: 1391–1406. (4) Brown KF et coll. The fraction of cancer attributab­le to modifiable risk factors in England, Wales, Scotland, Northern Ireland, and the United Kingdom in 2015. Br. J. of Cancer 2018; 118: 1130–1141.

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