Le Journal de Quebec

Justin Trudeau et les géants américains du web

- SIMON-PIERRE SAVARDTREM­BLAY e Blogueur au Journal Socio-économiste et essayiste.

On connaissai­t, depuis l’affaire Netflix, la complaisan­ce du gouverneme­nt de Justin Trudeau à l’endroit des géants du numérique en provenance de notre voisin du Sud.

Qu’illico, une entreprise d’ici, paie dûment la TPS, mais que Netflix n’en fasse pas autant a de quoi laisser songeur. À l’époque, la ministre Mélanie Joly avait assurément mal piloté l’opération, mais le problème est plus profond : les multinatio­nales du secteur numérique sont appelées à avoir la vie particuliè­rement facile.

UN GRAVE DANGER DE L’AÉUMC

Avec le nouvel Accord États-unis– Mexique-canada (AÉUMC), que les libéraux voudraient nous faire accepter sans broncher, les mastodonte­s américains du web auront encore plus la voie libre. Le commerce en ligne transcende les frontières pour écraser nos fournisseu­rs locaux.

Au moment de rédiger ces lignes, seules les marchandis­es américaine­s de 20 $ et moins sont exemptées de droits de douane lorsqu’elles traversent la frontière. Tout ce qui a une valeur supérieure à 20 $ est donc tarifé. Dans L’AÉUMC, ce chiffre est plutôt fixé à 150 $, signifiant que beaucoup plus de marchandis­es pourront entrer ici sans prix de passage.

Pire encore, les marchandis­es d’une valeur de moins de 40 $ seront exemptées de la TPS et de la TVQ ! Un chandail produit à Québec vous coûtera donc, en fin de compte, beaucoup plus cher que si vous le commandiez sur Amazon. Ça va faire mal...

L’ÉPINEUSE QUESTION DU NUMÉRIQUE

Les statistiqu­es paraissent peu impression­nantes quand on observe le secteur des technologi­es. Celui-ci représente à peine 6,8 % de la valeur ajoutée issue du secteur privé et emploie 2,5 % de la main-d’oeuvre aux États-unis. Google a environ 60 000 salariés directs, contre 12 000 pour Facebook, 55 pour Whatsapp, et 13 pour Instagram. En comparaiso­n, en 1962, AT&T avait 564 000 employés, Exxon 150 000, et General Motors 605 000.

Le numérique dépasse cependant de beaucoup le secteur qui y est exclusivem­ent consacré, comme le montrait l’éclairant essai Capitalism­e de plateforme du professeur londonien Nick Srnicek. Les entreprise­s reposent de plus en plus sur des modèles de gestion fondés sur les technologi­es de l’informatio­n, les données et internet.

Le numérique est devenu un plan de survie pour le système économique après le déclin du secteur manufactur­ier. La plateforme en ligne est maintenant l’outil dominant des compagnies, capable d’extraire et de contrôler des données en quantité astronomiq­ue.

Le commerce en ligne, parce qu’il émane d’un vaste espace a priori difficile à réglemente­r et qu’il entraîne des pratiques nouvelles, impose des défis inusités aux pouvoirs publics. On l’a vu avec Uber comme on l’a vu avec Netflix. L’ascension de ces géants est comparable à la marée : on ne peut la condamner ou l’empêcher de monter. On peut cependant construire des digues fluviales, lui imposer des limites et en réduire les conséquenc­es. Il est donc parfaiteme­nt possible d’indiquer les règles à suivre et de marquer le régime fiscal à respecter par toute entreprise voulant faire du profit en sol canadien.

Justin Trudeau n’a pas eu le mémo ?

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Le premier ministre canadien Justin Trudeau

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